Les prévisions du FMI restent plausibles dans leur ensemble. Elles sont quelque peu injustes avec la Tunisie pour l’année 2015, qui verrait enfin le retour de la stabilité politique et, qui sait, une accalmie sociale. La Tunisie pourrait travailler plus et mieux et serait de ce fait plus attirante pour les IDE. N’est-ce pas qu’il fallait accorder un bonus à la mise à feu de la deuxième République ?
Les projections économiques du Fonds monétaire international (FMI) ont un caractère de sentence. L’on se souvient qu’en octobre 2012, David Lipton, DGA du Fonds, nous annonçait un taux de croissance de 3% pour l’année 2013. On a fini l’année avec 2,8%. Et les sentences peuvent connaître, au gré des soubresauts de la conjoncture, des aggravations de peine. Et, c’est notamment le cas avec la révision du taux de croissance mondial pour 2014, qui est rabaissé de 3,6 à 3,3%.
Les experts du Fonds ne seront jamais des liseurs de bonne fortune, il faut s’y faire. Et Georgia Albertin, représentante permanente du Fonds en Tunisie, n’a pas dérogé à la règle. Les mêmes prévisions austères ont régné sur la séance de présentation du scénario de croissance pour l’année 2015 qu’elle a exposées, en présence du ministre de l’Economie et des Finances et du gouverneur de la BCT, lundi 8 courant.
Un nouveau bloc géographique
Ce sera 3,8% en moyenne mondiale. Damned on ne peut pas parler d’une embellie! Ce n’est pas avec ce palier bas qu’on va bouleverser la carte économique du monde. Et, à ce propos, Christine Lagarde, exaspérée par la morosité ambiante, parlera d’un nouveau médiocre, rappelle Chedly Ayari. L’Europe, notre principal partenaire, est moins bien lotie avec 1,4% après une année 2014 qui traîne les pieds avec un maigre 0,8%. En face, un léger mieux pour les pays émergents crédités d’un taux de 5%, bien loin des records d’avant. Plus proche de nous dans la région MOANAP, là où le FMI nous loge désormais, les oracles annoncent un taux moyen de 3%.
Déjà qu’on était mal assis dans le bloc Middle East North Africa (MENA), nous voilà engloutis au sein d’une extension géographique dite Moyen-Orient-Afrique du Nord-Afghanistan-Pakistan (MOANAP). Au sein de ce nouveau bloc, nous avons les faveurs des pronostics avec 3,7%, ce qui est supérieur à l’average du groupe.
Georgia Albertin annonce qu’en 2015 le pays verrait les exportations relever le nez et tirer la croissance à la place de la consommation interne. Mais ce n’est pas pour autant que nous tirerons notre épingle du jeu car le chômage restera élevé à plus de 16%.
La question de l’énergie restera la ligne de démarcation entre les Etats de la région
Notre propos n’est pas de revenir sur les prévisions du FMI. Qu’on se le dise bien, ces dernières restent plausibles. Nous observons toutefois que les experts du Fonds partagent MOANAP en deux groupes de pays. D’un côté, les importateurs d’énergie, de l’autre, les exportateurs. Il se trouve que le Fonds nous loge tous à la même enseigne. Les pays exportateurs seront pénalisés par la baisse des cours. Et, c’est bien naturel car leurs recettes vont baisser et leurs budgets seront soumis à des fortes pressions. L’ennui est qu’il n’y aura pas d’effet d’aubaine pour les pays importateurs non plus, car leurs monnaies se sont dépréciées, ce qui aboutit à un nivellement de la chute des cours! La faute à “c’est pas de chance“.
Outre cela, le Fonds ne retient pas d’autres éléments saillants. Nous ne partageons pas ce rétrécissement d’horizon. Et, nous y reviendrons. Mais au préalable, il faut souligner un effet d’expertise nationale qu’il ne faudrait pas passer sous silence.
La production locale d’une information économique fiable
Quelques jours avant la publication des prévisions du FMI se tenait la 29ème édition des Journées de l’entreprise. Une étude économique intitulée “croissance potentielle et création d’emploi“ a été exposée à cette occasion. Elle a été réalisée par trois universitaires tunisiens, en l’occurrence les professeurs Sofiane Ghali, Samy Moulay et Sami Rezgui.
L’étude annonçait un taux de croissance effective de 3,8%. Nous étions donc au même palier que le FMI. L’avantage est que les universitaires annonçaient une croissance potentielle de plus de 5,6%, et une productivité moyenne des facteurs de 3,3%. Il faut souligner que cela laisse une possible marge d’amélioration de la relance économique. Et ce qui nous réconforte davantage, c’est que pour un point de croissance, on crée plus de 22.000 postes d’emploi. Cela fait tout de même une différence de probabilité d’éclaircie par rapport aux chiffres crus du FMI.
On se félicite de ce que des compétences locales puissent produire de l’information économique fiable et crédible à domicile. On peut toujours nous objecter que le phénomène n’est pas nouveau, mais c’est bien de rappeler que le système d’information associatif soit à ce niveau de compétences.
Le FMI nous prive d’une prime à la stabilité
Toutes choses égales par ailleurs, le FMI a omis de nous créditer d’un bonus, qui saute pourtant aux yeux. Tout le monde sait que le 21 décembre la Tunisie élira le président de sa toute jeune deuxième République, et que le 22 au matin tout le dispositif institutionnel de l’Etat démocratique de la Tunisie sera opérationnel. Cet élément est capital pour cette start-up démocratie. Et le FMI a été chiche en la matière occultant le boost d’investissement que cela pourrait apporter au pays. Cette prime à la stabilité a manqué dans le rapport du Fonds et nous le regrettons.