Indépendant mais probablement sous pression. Marzouki apparaissait incapable de s’approprier le programme politique qu’il défend. On ne voyait pas une ligne épurée mais des idées éparses empruntées de-ci, de-là. Tantôt un clin d’œil à ses supporters/commanditaires -après tout, il leur doit sa présence au 2ème tour. Tantôt une ruade contre son adversaire. Cette dispersion intellectuelle ne fait pas un discours clair et cohérent. Forcément ses interventions étaient décousues. Et à ce propos, Pascal disait “Le malheur de l’individu vient de son inconséquence“.
Novice en politique, Moncef Marzouki ne pouvait donner une tonalité politique forte et uniforme à ses propos. Il s’est contenté, mercredi 18 décembre, sur la Watanya 1, face à notre confrère Boubaker Ben Akache, de répondre aux questions d’un quiz, sans réellement construire un débat, clair, franc et surtout rassurant. En un mot, un discours de futur chef d’Etat. On le voyait déstabilisé. D’ailleurs, le candidat était si mal à l’aise que, pour s’affirmer, il devait en permanence se définir par rapport à son adversaire. Et, c’est inconsistant.
Le discours indigent: les moulins à vent à répétition! Il faut penser à se renouveler en politique
Néophyte en politique, le candidat 3M se présentait vêtu du costume du militant droit-de-l’hommiste. Ce n’est pas tout à fait l’esprit du job! On voyait un garçon intimidé par son interviewer et qui se présentait dans la peau du gendre parfait. Il se décrivait comme travailleur, laborieux et consciencieux. C’est un bel exercice de profiling pour un poste de jeune cadre dynamique. Mais pas pour un président de la Tunisie nouvelle. Et toujours ces mêmes fixations autour de moulins à vent sans importance. Ainsi, en est-il de la résurgence du RCD et de la recomposition de sa machine malfaisante, les phobies infantiles du parti-Etat impensable selon les nouvelles dispositions de la Constitution. Et, puis cet acharnement à perpétuer la révolution, oubliant que ce qui est important dans une révolution c’est le jour d’après. La nôtre a été peu féconde sous ses trois années de règne ou de présidence, on ne sait trop. Et nos concitoyens de Sidi Bouzid le lui ont fait savoir, cailloux à l’appui. Puis, cette litanie sur la limite d’âge à 75 ans. Tout cela pour quémander un ultime mandat de cinq ans dont on ne voyait pas la contrepartie tant son programme est décalé par rapport aux attentes des citoyens. On croyait entendre le ventriloque d’Ennahdha. Le candidat 3M jure ses grands dieux qu’il n’irait pas au-delà de 75 ans, qui est le palier de la sénilité en politique, disait-il. Donc, il rempile pour cinq ans encore. Juste cinq ans et puis s’en va.
En politique, une morale a été inscrite dans les faits par De Gaulle qui disait “Il vaut mieux partir cinq ans plus tôt que cinq minutes trop tard“. N’y a-t-il pas pensé?
Les incohérences du candidat: la défense des libertés
Le candidat se présente comme le chantre de la liberté et des libertés. Mais où était-il tapi lors du siège de l’université de La Manouba? Abou Yadh et ses compères voulaient implanter le projet Manoubistan. A-t-il soutenu ce résistant de la liberté qu’a été le doyen Habib Kazdaghli, prophète ailleurs qu’en son pays car décoré Docteur Honoris Causa par l’université de Nanterre? Un califat à l’université, temple des lumières, échine dorsale de l’Etat de l’indépendance et vecteur sans pareil de l’émancipation tunisienne, un temple de l’hérésie. Que n’a-t-il crié au scandale de l’agression de la liberté et des libertés lors du siège de la télévision tunisienne. En tout cas, il faut avoir de la suite dans les idées, si tant est qu’on des idées à soi et qu’on peut défendre. Et le candidat ne paraissait pas dans ce cas de figure se réfugiant derrière l’incantation vague et sans conséquence de la défense des libertés. Trop général, trop générique, pas assez tranché pour convaincre.
L’ennui est que 3MM a été impuissant de faire du CPR un grand parti politique. Otage d’un front électoral de l’ombre, président provisoire parachuté, et demain téléguidé, cela passe mal dans l’opinion.
La diplomatie tunisienne a déjà inscrit ses repères dans les relations internationales
Il ne faut pas se réfugier derrière le rideau de la révolution pour prétendre reconfigurer la diplomatie tunisienne. Celle-ci a marqué de son empreinte l’Organisation de l’unité africaine, dont la Tunisie est membre fondateur. Elle a aidé au repositionnement de l’organisation de l’unité arabe, que Chedly Klibi a présidée. Elle participe activement à la vie et au développement de l’Organisation de la communauté islamique laquelle a été présidée, pendant deux mandats par un Tunisien, en l’occurrence Habib Chatty, ancien ministre des Affaires étrangères.
Et puis nos prises de position dans les litiges internationaux ont fait date. La jeune armée tunisienne, sous le commandement de l’ONU, a été présente au Congo pour y ramener la paix au tout début des années 60, puis plus tard au Cambodge sous le commandement de feu le général Skik. Nous avons soutenu l’Angola, la Namibie, dans leur juste cause, sans compter notre proposition de résolution de la question palestinienne. Et en la matière, nous avons défendu la Palestine pour la justesse de sa cause sans tomber dans un soutien aveugle pour cause ethnique et confessionnelle. La légalité internationale sinon rien, c’était le crédo autour duquel s’est fait la diplomatie tunisienne.
On ne peut pas escamoter ce précieux héritage diplomatique par des tribulations sans conséquence, comme dans l’affaire syrienne. La diplomatie ce n’est pas de l’agitation d’idées.
Le terrorisme et la question libyenne: à traiter avec lucidité et… responsabilité
Le candidat 3M avait ironisé sur la position de BCE qui préférait ne pas s’ingérer dans la résolution du conflit entre l’armée régulière et les milices. Le candidat préconise, pour sa part, la réplication en Libye de la solution tunisienne du dialogue national. Comment on peut dialoguer avec des milices qui ont éclipsé un Parlement élu par le peuple pour maintenir mordicus une Assemblée désavouée par les urnes. Il convient de laisser le soin aux Libyens de trancher leur sort, loin de toute ingérence.
Moncef Marzouki, à la tribune des Nations unies, réclamant la libération de Mohamed Morsi, on n’aimerait pas que pareil écart se renouvelle avec la Libye. L’ingérence doublée de niaiserie ça suffit. La Tunisie paie le tribut dans ce conflit en offrant l’hospitalité aux réfugiés et on est quitte.
Quant à la reconversion des terroristes en des citoyens pacifiques, c’est de l’angélisme pur et simple. Des guerriers qui prennent les armes contre leur pays sont des agents de l’extérieur, ils ont franchi le Rubicon… Cela s’appelle traitres au pays. D’ailleurs, comme en échos à ses propositions, le gang qui a assassiné les deux martyrs Chokri Belaid et Mohamed Brahmi resurgit d’on ne sait où pour narguer les Tunisiens et les menacer dans leur vie s’ils ne boycottaient pas les élections. Et voilà le travail.
Développement : les faux lendemains qui chantent!
Le candidat 3M pense, avec beaucoup de crédulité, que le développement sera à la clé. N’a-t-il pas entendu parler des prévisions du FMI: 3,7% de taux de croissance pour 2015. Avec ces perspectives, on ne va pas bien loin, car la croissance molle ça ne nourrit pas son homme!
Le candidat à la présidence fait fi de la série noire de contreperformances de ses partenaires dans la Troïka. A-t-il vite oublié la descente aux enfers de la dégradation des agences de notation, du dinar qui a vrillé dramatiquement contre dollar, de l’administration surchargée par ses alliés des finances publiques mises par leurs soins dans un Etat proche de celui de la Grèce.
En regardant le candidat 3M à la télé, on a le sentiment qu’il faisait ses adieux aux Tunisiens. Il n’avait rien de bien consistant à leur proposer. Le néant absolu. Désolé, mais ça ne fait pas un deal pour gouverner un pays de la dimension de la Tunisie.