S’il faut donner un sens à la révolution, il y a obligation de résultat pour mener à bien le chantier de la deuxième République, dixit BCE. Faire émerger l’Etat de droit et des libertés, quel pari! Il ne faut pas rater la mise en service du nouvel édifice démocratique. BCE promet d’initialiser les justes rapports entre les institutions loin des frictions politiciennes, à l’écart des susceptibilités régionalistes, hors la collusion avec les puissances de l’argent, assainir l’Etat, consolider l’unité nationale, l’ivresse des cimes démocratiques! Le candidat joue le banco du destin avec l’histoire. Sera-t-il entendu du bon peuple de Tunisie?
Deuxième mi-temps télé, pour le quiz présidentiel avec cette fois BCE sur le divan de Boubaker Ben Akacha. On voit un BCE, détendu comme à l’accoutumée, le langage badin et rusé, inimitable, sa marque de fabrique en somme. Et toute la flamme de sa foi patriotique doublée de l’étendue de son savoir faire politique. En substance, il affirme être l’homme de la situation. Il est à l’aise à décortiquer à leur juste mesure les défis du chantier historique de la mise en place de la deuxième République tunisienne.
L’affaire n’est pas gagnée d’avance. prévient-il. Il y a loin de la coupe aux lèvres. C’est une chose d’écrire la partition démocratique, encore faut-il ne pas se tromper dans son initialisation. Le chemin est semé de périls. Il faut du doigté et de la maestria pour l’entrée en service.
La mise en marche ne doit pas être chahutée de sorte à donner un référentiel sans bavure qui sera son armature de sécurité. Il apostrophe le génie national pour l’éveiller à la solennité de l’instant. Il se présente comme le maître d’œuvre qualifié pour piloter le processus de l’édification de l’Etat démocratique et lui procurer ce qu’il faut d’immunité pour le rendre irréversible. Il peut conduire le deal avec ce qu’il faut d’expertise et de patriotisme, et s’en remet au juste jugement du peuple tunisien. Son offre de service fera-t-elle échos?
C’est le sens de l’Etat qui fera la différence
A nouvelle République, nouvelle gouvernance, disait BCE. Il a eu le temps d’en détailler le menu tout au long d’une longue campagne électorale. Le tout, selon le candidat, est de rebâtir une relation de confiance entre la classe politique et le bon peuple. Peut-il nous faire oublier le précédent malheureux avec l’ANC? Au lieu d’une année, comme convenue au départ, elle nous en a pris trois d’affilée. L’opinion en a été marquée au fer rouge jetant l’anathème sur la classe politique devenue à ses yeux vénale et intéressée.
Voici l’occasion de redorer le blason des responsables politiques et de restituer toute la noblesse de la fonction. S’il est élu, BCE s’engage à faire ce qu’il a dit pour avoir dit ce qu’il ferait auparavant. Il a promis la tenue d’élections plurielles et transparentes, et il s’y est tenu un certain 23 novembre 2011. Ses états de service sont son meilleur bouclier. Et l’opinion sait que son sens de l’Etat le conduira à réactiver les piliers de l’Etat de droit, de justice et de libertés.
Les réformes de l’enseignement, de la santé publique et de tous les services publics ne feront que suivre. Toute cette dynamique du développement, de la réhabilitation de la diplomatie, de la lutte contre le terrorisme, devient crédible. Cependant, force est de constater que BCE a truffé son discours de non-dits. Qu’en est-il
Adhérer aux valeurs universelles avec un projet citoyen
Ce qu’il faut retenir des propos de BCE, c’est que la Constitution tunisienne ne saurait trouver sa viabilité qu’à la faveur d’une deuxième République basée sur un projet citoyen. Le prolongement des valeurs universelles, c’est l’état de droit et des libertés, c’est bien clair. Hors cet édifice, cette Constitution n’aura été qu’un écran de fumée. Et c’est ce qui fait la force du projet de BCE. D’ailleurs, cette proposition a laissé ses adversaires sans voix, préférant plaider pour la neutralité.
La méthode BCE a domestiqué le jeu d’Ennahdha. Ce dernier a édulcoré son discours aux saveurs locales et il ne s’y est plus retrouvé. Forcé de faire bonne figure, il a été contraint de couper les ponts avec Ansar Charia que Ali Laarayedh a classée “organisation terroriste“. Il est sérieusement bloqué dans sa tentative de retour aux affaires, sous le masque de Moncef Marzouki.
Ce parti voit son jeu maîtrisé et moyens d’intervenir dans le jeu politique, car l’Etat démocratique n’est pas tout à fait sa tasse de thé. Ennahdha est dans une crise existentielle, car on ne sait comment il va survivre à sa tunisification.
Pareil pour le Front populaire. Cette constellation se trouve forcée et contrainte de virer vers le centre et la social-démocratie. Elle y perd son crédo. Son discours se trouve décalé et n’est plus en phase avec la réalité de l’instant. Elle ne sait plus où donner de la voix. Le choix démocratique, l’impératif social, la fièvre revendicative, la Jabha se disperse. Comment résisterait la Jabha à son déracinement doctrinaire?
La scène politique se trouve dans un Etat délabré. Dans ces décombres ambiants, le programme de BCE rayonne par son plein relief démocratique. Un Etat de droit, c’est le retour de l’éléphant en empruntant cette expression à Abdelaziz Belkhoja. La Tunisie, avec elle le monde arabe, pourra revenir dans la partie après une éclipse qui a duré depuis la chute de l’Andalousie.
L’Occident pourra-t-il nous faire la leçon désormais? Une Tunisie qui a échappé au piège de l’enfermement communautariste et qui a choisi résolument la voix de l’émancipation démocratique, c’est le miracle du siècle 21. Que sera le verdict populaire?
Réponse le dimanche 21 décembre.