Après le plongeon du rouble, le pire reste à venir pour la Russie

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éléphone passe sous un panneau indiquant le taux de change du rouble le 17 décembre 2014 à Moscou (Photo : Yuri Kadobnov)

[21/12/2014 14:37:22] Moscou (AFP) Profonde récession, flambée des prix, système bancaire fragilisé: si le rouble semble stabilisé après son plongeon historique du début de semaine, la Russie doit maintenant faire face aux lourdes conséquences du choc monétaire subi.

Pour bien des Russes, c’est un soulagement. La monnaie nationale finit la semaine à peine plus faible qu’elle l’avait commencé, autour de 73 roubles pour un euro et 59 roubles pour un dollar.

Le mouvement de panique boursière de lundi et mardi, quand l’euro a crevé le plafond inimaginable des 100 roubles et le dollar des 80 roubles, ressemble à un cauchemar qui vient conclure un an de chute progressive, sur fond de crise ukrainienne et de baisse des cours du pétrole, principale source de revenus de l’Etat.

A l’origine du rebond: le gouvernement est sorti de sa passivité et a joint ses efforts à ceux de la banque centrale, acculée à une hausse de taux radicale (17% contre 10,5%). Mais surtout, les prix du pétrole ont rebondi.

Vladimir Poutine a tenté de rassurer en affirmant qu’une sortie de crise était “inévitable”, mais qu’elle prendrait au maximum deux ans. Et il n’a annoncé aucune mesure pour soutenir une économie ébranlée.

“La trajectoire de l’économie dans les six mois à venir va se révéler bien pire que prévu à cause de ce qui s’est passé cette semaine”, prévient Chris Weafer, de la société de conseil Macro Advisory. Il prévoit une chute de 5% du produit intérieur brut au premier semestre.

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écembre 2014 (Photo : Kirill Kudryavtsev)

“Consommation et investissements vont pâtir de la hausse des taux d’intérêts, l’inflation va augmenter à cause de l’affaiblissement de la monnaie, la confiance est ébranlée, les banques vont demander l’aide du gouvernement et certains rayons seront vides après le Nouvel An”, énumère-t-il.

– Valse des étiquettes –

Effet immédiat des montagnes russes des taux de changes, certains fournisseurs ont préféré tout simplement cesser leurs livraisons plutôt que d’augmenter leurs prix, sans visibilité: Apple a fermé sa boutique en ligne, Ikea a suspendu deux jours ses ventes de cuisines, les automobiles Opel et Chevrolet ne sont plus livrées aux concessionnaires.

La presse russe évoque des décisions similaires pour les boissons alcoolisées et les vêtements importés (Zara, TopShop, Calvin Klein…), manière d’éviter de vendre à perte au moment où des Russes précipitent leurs achats pour anticiper la valse des étiquettes.

Le mouvement commence déjà et l’inflation, déjà proche de 10%, menace d’atteindre les 15% dans les mois à venir, entraînant une baisse du pouvoir d’achat des ménages.

“On observe des signes croissants que la crise se répand dans le secteur bancaire”, a également prévenu vendredi le cabinet londonien Capital Economics.

Le secteur financier russe est particulièrement vulnérable, avec d’un côté de puissants mastodontes publics et surtout des centaines d’établissements fragiles. Les premières mesures annoncées dès mardi visent donc à assurer la stabilité financière: meilleur accès aux liquidités, assouplissement de normes comptables pouvant aboutir à des pertes.

Dès vendredi, les députés de la Douma ont approuvé un texte prévoyant la recapitalisation des banques à hauteur de 1.000 milliards de roubles (13 milliards d’euros). Le ministère des Finances espère ainsi augmenter de 13% le capital du secteur bancaire et ainsi les volumes des crédits délivrés d’au moins 15%.

– Risque de faillite ?

La spirale du rouble a rappelé à bien des Russes la crise de 1998, quand la Russie a fini placée en défaut de paiement. “Les gens réagissent comme en 1998 mais il n’y a pas de raison: en 1998, la Russie était un pays en faillite, maintenant elle est en bonne santé financière”, assure Chris Weafer

Plus de dix ans de prix élevés du pétrole ont permis à Moscou d’accumuler des fortes réserves de devises, qui dépassent 400 milliards de dollars même si elles ont fortement baissé avec cette crise. Sa dette publique dépasse à peine 10% de son PIB et le budget est resté pour l’instant équilibré, voire excédentaire.

Toutes les entreprises ne sont pas aussi bien armées, et certaines auront du mal à rembourser les crédits contractés en dollars ou euros.

C’est par ailleurs toute l’ex-URSS qui se trouve fragilisée. La population du Bélarus, dont l’économie très fermée est dépendante de la Russie, semble craindre un effet domino et s’est ruée vers les bureaux de changes, dont beaucoup étaient vendredi à cours de devises. Face à la panique, la banque centrale a décrété une taxe de 30% sur les achats de devises et des contrôles de capitaux, et la Bourse est restée fermée vendredi.