A quoi joue ou veut jouer Moncef Marzouki? Quel destin national veut-il se donner? Comment qualifier son discours prononcé mardi 23 décembre au lendemain de la proclamation des résultats du second tour de la présidentielle le donnant battu…? Mais que vaut-il réellement?
Décidemment, on n’en a pas fini avec Moncef Marzouki, le président de la République sortant. Il semble décidé à jouer les trouble-fête. La preuve? Mardi 23 décembre au centre de l’Ariana où se trouve le quartier général de sa campagne, il a réuni un monde fou pour annoncer la création d’un nouveau parti politique, le «Mouvement du peuple citoyen». Il a appelé les Tunisiens opposés aux «idéologies dépourvues d’intérêt, attachés aux vraies questions et contre la modernité dans ses aspects futiles à rejoindre ce mouvement».
Mégalomanie ou cécité politique et/ou intellectuelle? La question mérite d’être posée, car Marzouki a ignoré que son propre parti –le Congrès pour la République- n’a pu obtenir que 4 députés à l’Assemblée des représentants du peuple. Il ignore que les voix qui se sont portées sur lui ne sont pas les siennes mais celles de ceux qui sont contre Béji Caïd Essebsi. Il oublie même de faire une lecture des cartes géographiques électorales des législatives et de la présidentielle pour comprendre comment il a pu recueillir autant de voix alors que son parti est pratiquement éliminé de la scène politique tunisienne.
Mais ce n’est pas tout. Marzouki n’a pas compris que le peuple tunisien a tranché et tourné le dos aux islamistes d’Ennahdha dont il s’est porté caution. Dans ce cas, qu’aurait-il eu sans les voix des nahdhaouis? D’ailleurs, une petite analyse lui aurait permis de comprendre que pour une bonne majorité des Tunisiens, Ennahdha et Marzouki restent essentiellement comptables des piètres résultats économiques, sociaux et sécuritaires dans le pays au cours des 3 dernières années.
Marzouki n’a pas l’apanage de la probité…
Ensuite, en déclarant qu’«aucun pouvoir pour une élite corrompue et aucun pouvoir n’est au-dessus de celui du peuple», Moncef Marzouki insulte l’intelligence des Tunisiens. Certes, comme partout dans le monde il y a et y aura toujours des corrupteurs et des corrompus en Tunisie, mais il existe et existera toujours des gens d’une probité morale irréprochable.
Marzouki va plus loin dans sa “prêche“ pour appeler ses partisans à «poursuivre la marche pacifique, à bannir la violence et à défendre leurs droits pacifiquement», mais promette «… je ne trahirai pas les jeunes, ni leurs revendications légitimes et révolutionnaires». Or, là aussi il se trompe lourdement, puisqu’il n’a jamais représenté les jeunes, ni du reste leurs revendications.
Le délire absolu…
Dans la même logique, Marzouki s’est engagé à «protéger le peuple contre la dictature, le laxisme et l’opportunisme», estimant que «ni l’agent sale ni les médias partisans ne peuvent changer le cours de l’histoire».
Concernant les résultats, tout semble dire que Marzouki ne les a pas acceptés de façon franche. La défaite passe mal pour celui qui ne veut pas quitter Carthage. La preuve en est qu’il a prévenu: «… j’en tiendrai l’ISIE pour entière responsable s’il s’avère que les manquements graves lors du 2e tour de la présidentielle sont réels. Nous réviserons notre position». Est-ce à dire que Marzouki va suivre les pas de Laurent Gbagbo – le slogan et le refus des résultats? Espérons qu’on n’arrivera pas là, sinon ce serait dommage pour la Tunisie.
“Mouvement du peuple citoyen“ vs “Ennahdha“
Revenons à l’annonce de la création de son parti. Rappelons que, pendant la campagne électorale, et en l’absence d’un réel programme, Marzouki se focalisait sur l’âge de son concurrent, Béji Caïd Essebsi. Que disait-il? En substance, il disait vouloir un seul mandat, puisqu’en ce moment il aurait 70 ans, et au-delà, ce n’est pas acceptable. N’étant pas élu, il lui faudra attendre encore cinq ans, de ce fait, il aura atteint les 70 ans. Alors question: que signifie la création de son nouveau parti? Pour qui? Marzouki se représentera-t-il au-delà des 70 ans?
Enfin, cette création, loin de faire de l’ombre à Nidaa Tounes, risque, peut-être, de porter préjudice à Ennahdha. En quelque sorte, c’est une guerre déclarée à Ennahdha qui, à coup sûr, ne tardera pas à réagir. Surtout que le parti de Ghannouchi va considérer cela comme une trahison: “on t’a prêté des électeurs, mais tu veux te les approprier et les mettre carrément dans ta poche”. Cette guerre qui s’annonce donc entre Ennahdha et le Mouvement du peuple citoyen pourrait largement bénéficier à Nidaa Tounes. Mais à condition que les divisions sous-jacentes en son sein soient aplanies.
Certains diront que l’argent est sale, mais la politique aussi.