En attendant la passation qui se fera mardi 30 décembre a priori, la Tunisie a passé son automne 2014 dans une longue période électorale et l’a fini après 3 scrutins qui ont abouti à un renouvellement de la classe politique et des dirigeants appelés à conduire le pays dans les 5 prochaines années vers des jours meilleurs.
Partagée entre ceux qui s’accrochent à la continuité de la révolution et ceux qui veulent commencer la construction d’un pays endommagé non seulement depuis la révolution mais depuis longtemps, la Tunisie se cherche. Cette situation n’est pas propre à la Tunisie, car souvent les révoltions ont connu ce genre de moment crucial comme la Révolution Bolchévique de 1917 et la cassure qu’il y a eu entre Lénine et Trotski (toute chose étant égale par ailleurs…).
Les nouvelles frontières du rêve tunisien sont en passe de s’ouvrir et elles sont multiples, lointaines ou proches, dans tous les cas difficiles à atteindre sans un mouvement de prise de conscience collective encore plus motivant que la révolution elle-même…
Les frontières de la sécurité demandent la priorité absolue du nouveau pouvoir et de tous les citoyens. Comment vaincre le terrorisme, comment assécher ses sources sociales, économiques et culturelles, comment stopper la contagion venue de Libye et contribuer à la stabilité dans ce pays sans lequel nous seront toujours menacés…? En même temps, quelles reformes entreprendre pour achever la transformation de la police tunisienne en vraie police républicaine et faire de l’armée une armée nationale moderne et professionnelle et surtout toujours neutre et républicaine?
Les frontières économiques exigent, en plus de tout programme de relance immédiate, une grande réflexion sur un nouveau modèle économique qui puisse nous faire avancer rapidement et qui prenne en compte les exigences démocratiques de justice et d’équité entre les citoyens et surtout entre les régions et dans le partage des ressources nationales. Un nouveau modèle qui ne se limite pas aux désidératas de la Banque mondiale et du FMI mais qui tire de la mondialisation ses meilleurs atouts pour travailler sur des nouveaux horizons de partage économique et de nécessités écologiques.
Les frontières de la culture sont à inventer de fond en comble. Se débarrasser du lourd héritage accumulé le long de la période de la dictature bourguibienne et celle de Ben Ali demande un effort de nos élites intellectuelles par un travail gigantesque sur la mémoire, sur l’école, sur l’univocité sur les arts et sur le patrimoine sans lequel nous freinons notre apprentissage démocratique.
Les frontières politiques, enfin, sont partout et dans tous le domaine. De l’invention du «vivre ensemble» à l’apprentissage du respect de nos différences, nous devons chercher tous -peuple, élites politiques et société civile- des nouvelles modalités de citoyenneté loin de l’héritage de l’absolutisme qui gangrène nos sociétés aujourd’hui et qui exacerbe nos différences pour en faire des facteurs de division. Les partis politiques et le personnel politique de tous bords sont devant un moment crucial que nous offre la démocratie, à travers les institutions nouvelles et la Constitution, c’est le moment de bâtir la «nouvelle République»…