un salaire minimum (Photo : Michael Latz) |
[29/12/2014 06:39:07] Berlin (AFP) “Je vais pouvoir m’offrir un peu plus de choses”: le salaire minimum arrive en Allemagne et Jessica Arendt, vendeuse, gagnera désormais un euro supplémentaire de l’heure. Mais pour Mathias Möbius, maître-boulanger, cela signifiera des hausses de prix dans ses magasins.
La chancelière conservatrice Angela Merkel n’en voulait pas, inquiète d’effets néfastes sur l’emploi et de la rupture avec une tradition sociale bien ancrée de non-ingérence de la puissance publique dans les relations salariales. Au nom de la justice sociale, et devant le développement d’un large secteur de bas salaires, ses alliés sociaux-démocrates lui ont forcé la main. Finalement, au terme d’un laborieux processus, le salaire minimum arrive au 1er janvier.
La boulangerie de Berlin qui emploie Jessica, 23 ans, devra maintenant la payer 8,50 euros bruts de l’heure. Comme elle, 3,7 millions de salariés doivent voir leur fiche de paie augmenter dès janvier, selon le ministère allemand de l’Emploi.
Rien que dans les 45 boulangeries de M. Möbius en Saxe (est), plus de 300 salariés seront concernés. Une bonne chose, selon le patron, qui apprécie qu’un métier très dur trouve “la reconnaissance financière” qu’il mérite. “Peut-être que cela profitera à l’image de notre secteur”, explique-t-il à l’AFP.
– hausses de prix –
Mais pour son entreprise familiale, cela veut aussi dire 10% de coûts supplémentaires qu’il faudra compenser. “Cela ne sera possible quasiment que par le biais de hausses de prix”, selon lui.
Et si tout se renchérit, de la course en taxi à la coupe de cheveux, au final Mme Arendt et les autres bénéficiaires du salaire minimum ne pourront peut-être pas s’offrir tant de choses que cela en plus, préviennent les économistes.
A Berlin Ahmet S., chauffeur de taxi de 58 ans, payé pour le moment à la recette et non à l’heure, s’inquiète aussi: “je paierai peut-être plus de charges et d’impôts, (…) donc mon salaire va évoluer en négatif, pas en positif”.
Tous secteurs confondus, 26% des employeurs concernés par le salaire minimum prévoient d’augmenter leurs tarifs, 23% de rogner les primes aux salariés et 22% de supprimer des emplois, selon un sondage de l’institut économique Ifo, réalisé en novembre auprès de 6.300 sociétés. D’autres envisagent de diminuer le temps de travail et les investissements.
L’est de l’Allemagne, où les salaires n’ont jamais rattrapé le niveau de l’ouest depuis la réunification, devrait être le plus affecté par ce type de réactions.
– emplois en danger? –
Ailleurs aussi, les milieux économiques se sont empressés d’agiter le chiffon rouge des suppressions d’emplois.
“Le salaire minimum met en danger des dizaines de milliers d’emplois en Bavière, augmente le coût du travail et pèse sur les entreprises comme sur les contribuables en créant de la bureaucratie supplémentaire”, s’énerve Bertram Brossardt, de la fédération bavaroise de l’industrie. Celle des chambres de commerce DIHK chiffre à 200.000 les emplois en danger dans le pays.
Pourtant “je ne crois pas qu’il y aura des suppressions massives d’emplois”, estimait la semaine dernière le président de l’Agence pour l’emploi Frank-Jürgen Weise.
En Saxe M. Möbius ne prévoit ni fermeture de magasins ni suppressions de postes, “mais je ne peux pas l’exclure pour l’avenir”. De manière générale “le personnel non-qualifié aura probablement encore plus de mal à l’avenir que maintenant à trouver du travail”, croit-il, rejoignant en cela un certain nombre d’économistes.
Ceux-ci se perdent en conjectures sur les effets possibles du nouveau salaire plancher, tout en reconnaissant que ses implications macro-économiques réelles ne seront pas mesurables avant plusieurs années.
Alors que pour Yen, 20 ans, actuellement payée 7 euros l’heure, c’est l’Australie qui se rapproche un peu plus. “Je vais continuer à épargner” pour aller passer une année de l’autre côté du globe, s’enthousiasme l’employée d’un stand de restauration dans un centre commercial berlinois.