La levée du secret bancaire sera appliquée à partir du 1er janvier 2014 pour les personnes physiques et morales et les sociétés soumises au contrôle fiscal approfondi, conformément à l’article 12 de la loi de finance complémentaire pour l’exercice 2014.
En vertu de cette loi, les établissements de crédit ayant la qualité de banque, l’Office national des postes et les intermédiaires en Bourse, sont tenus de communiquer aux services compétents de l’administration fiscale autorisés à cet effet, sur demande écrite et motivée, dans un délai de dix jours à compter de la date de la notification de la demande, les numéros des comptes ouverts auprès d’eux durant la période non prescrite, l’identité de leurs titulaires ainsi que la date d’ouverture et de clôture de ces comptes, et ce après avoir obtenu un ordre de justice.
Anis Wahabi, membre de l’Ordre des experts-comptables de Tunisie, a déclaré à l’agence TAP que “cette mesure est une première en Tunisie”, ajoutant qu'”après l’échec des multiples tentatives menées par le ministère des Finances pour réglementer la levée du secret bancaire pendant l’ère de Ben Ali, cette mesure a été introduite dans la loi complémentaire pour 2014 et adoptée par l’Assemblée nationale constituante”.
Wahabi a souligné que “la levée du secret bancaire a toujours été revendiquée par les institutions financières internationales et son adoption vient témoigner du respect de la Tunisie de ses engagements dans le cadre de plusieurs conventions internationales, afin qu’elle ne soit pas considérée comme un paradis fiscal”.
Il a rappelé que plusieurs pays, notamment européens, ont renoncé au secret bancaire à l’exception de l’Autriche où le secret bancaire est protégé et considéré comme un droit constitutionnel.
Lutte contre l’évasion fiscale et aspiration à la justice fiscale
D’après l’expert-comptable, cette loi va mettre fin à l’évasion fiscale pratiquée par des personnes qui détiennent plusieurs comptes bancaires en parallèle, non déclarés, et ce en obligeant les banques à communiquer à l’administration fiscale toutes les données sur ces comptes.
L’expert-comptable a critiqué, néanmoins, le délai de 72 heures stipulé par la loi pour obtenir une ordonnance de justice, estimant que ce délai est très court et pourrait constituer une pression sur les juges chargés des procès relatifs à la levée du secret bancaire.
Ajouté à cela que le contribuable ou la personne physique ou morale soumis au contrôle fiscal approfondi ne pourrait pas se défendre comme il se doit dans un délai aussi court.
“A partir du 1er janvier 2015, toutes les personnes soumises à un contrôle fiscal approfondi sont obligées de présenter tous les documents requis, dont les extraits bancaires et postaux”, a fait savoir l’expert-comptable.
En cas de refus de présenter ces extraits ou leur présentation de façon incomplète, l’administration fiscale demande un procès en référé pour l’obtention d’une ordonnance de justice dans un délai ne dépassant pas 72 heures, qu’elle présente à l’établissement de crédit, lequel doit lui délivrer dans un délai de 10 jours, tous les extraits bancaires et des opérations financières de la personne physique ou morale, soumise à un contrôle fiscal approfondi.
Rétroactivité de la levée du secret bancaire
Même si la levée du secret bancaire entre en vigueur à partir du 1er janvier 2015, son effet est rétroactif, selon l’expert, puisque le contrôle fiscal approfondi qui commence en 2015 peut remonter à 2011.
Wahabi considère que cette mesure ne portera ses fruits que si elle s’accompagne d’une réforme du système bancaire et de la mise en place des mécanismes idoines à même d’empêcher toute personne d’opérer en dehors du système bancaire.
Plusieurs personnes opérant avec des sommes considérables en liquide, a-t-il fait remarquer, ne sont pas concernées par la mesure de la levée du secret bancaire, étant donné qu’elles ne reconnaissent pas le système bancaire.
Il a rappelé que l’Ordre des experts-comptables de Tunisie a été parmi les premières structures à demander la levée du secret bancaire, tout en appelant à la nécessité de mettre en place un sytème complémentaire, en encourageant les opérateurs, notamment dans le secteur informel, à intégrer le système bancaire.