Depuis longtemps tenue à l’écart par l’Etat tunisien des assemblées générales de la Banque Franco-Tunisienne (BFT) –dont elle détient plus de 51% du capital et 53% des droits de vote-, la société ABCI a été l’«invité»-surprise de celle qui devait se tenir le 13 octobre dernier. Rappelant du coup à l’Etat tunisien et à la Société Tunisienne de Banque (STB), l’obligation qu’ils ont respectivement également d’intégrer les réparations dues à ABCI dans son budget pour le premier, et celle d’intégrer le bilan de la BFT (avec le passif et l’actif) dans le sien, pour la seconde.
Peut-être prise de court par l’«intrusion» de la société ABCI dans l’AG annoncée pour le 13 octobre 2014, la direction de la BFT s’est emmurée dans silence radio total. Mais une source proche du dossier affirme que le président du conseil de la BFT a appelé Mounir Klibi, directeur des affaires juridiques –et ancien DG de la banque, actuellement mis en examen par la justice pour sa gestion de cet établissement- pour l’informer de la situation. Et d’après notre source, il aurait donné l’ordre de ne pas autoriser l’huissier/représentant d’ABCI à assister à l’AG.
Un autre responsable de la banque aurait également téléphoné à l’huissier pour lui demander de changer l’heure de son arrivée (8h30) au siège de la banque pour après l’heure de la tenue de l’AG (9h30) «pour des questions d’intérêt national», et ce afin de donner la possibilité de dire que l’AG a eu lieu et que le représentant d’ABCI n’a pas pu y assister parce qu’il est venu en retard.
Or, l’huissier a constaté que jusqu’à 10h l’assemblée n’a pas eu lieu et que de ce fait elle n’a plus de valeur juridique. Et s’il y avait eu report, il aurait dû se faire, pour être juridiquement valable, être décidé avec l’avant des présents, c’est-à-dire y compris du représentant d’ABCI, l’huissier en l’occurrence. Donc, même si elle a par la suite été tenue après le départ de l’huissier notaire, l’AG n’a pas d’existence légale.
Enfin, le chef du Contentieux de l’Etat a écrit au CIRDI pour l’informer du fait que la société ABCI a empêché la tenue de l’assemblée générale de la BFT.
Le deuxième huissier a également communiqué aux responsables de la BFT une note d’ABCI concernant la situation financière de cette dernière. L’actionnaire majoritaire y fait remarquer que le déficit réel de la banque qui était de plus de 550 millions de dinars en 2011 approcherait aujourd’hui les 600 millions, soit une aggravation de 25 millions de dinars par an. Le bilan de la BFT n’en reconnaît que 450 millions.
ABCI a également attiré l’attention de la partie tunisienne sur le fait que la Société Tunisienne de Banque (STB), maison-mère de la BFT, a l’obligation légale et comptable d’intégrer le bilan de la BFT (avec le passif et l’actif) dans le sien et que l’Etat doit également intégrer les réparations dues à ABCI dans son budget.
Pour recueillir leurs points de vue et versions au sujet des faits qui les concernent ou leur sont imputés par nos sources, nous avons sollicité le président du conseil (Khaled Fendri) et le directeur général (Sami Jebali) de la Banque Franco-Tunisienne, ainsi que Mounir Klibi et Mohamed Naceur Ridane, respectivement directeur des affaires juridiques à la BCT et chef du Contentieux de l’Etat. Aucun d’entre eux n’a répondu à nos questions et/ou demande d’interview. Mais le service de presse du chef du Contentieux de l’Etat nous a indiqué que «vu que l’affaire ABCI relève encore de la compétence de l’instance arbitrale CIRDI et des juridictions pénales tunisiennes, et qu’elle est protégée par la règle de confidentialité, le chef du contentieux de l’Etat ou toute autre autorité ou personne n’est pas, juridiquement, habilité à émettre un avis à ce sujet, ni de divulguer les informations s’y rattachant». .