Le compte personnel de formation, une “révolution” menacée de sous financement

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ée nationale le 16 décembre 2014 (Photo : Bertrand Guay)

[30/12/2014 17:34:47] Paris (AFP) Pour ses partisans, le compte personnel de formation est une “révolution”, qui corrige des inégalités d’accès et offre une certaine autonomie dans le choix des projets. Mais des zones d’ombre demeurent, notamment autour de son financement.

Dispositif clé de la réforme du 5 mars 2014 sur la formation professionnelle, le CPF innove en permettant à chaque actif d’accumuler des heures de formation durant ses périodes d?emploi et de les utiliser tout au long de sa carrière professionnelle, y compris lors de périodes de chômage.

L’autre nouveauté est que seul le détenteur du CPF peut déclencher ses droits à la formation et non plus son entreprise comme auparavant. Ce qui pour Hervé Estampes, directeur général de l’Afpa, premier organisme de formation professionnelle, “est très génération Y, très adapté au futur: on donne des droits, à l’individu de les gérer”.

Et de saluer le CPF par la possibilité désormais ouverte au salarié d’entreprendre un projet de formation distinct de celui souhaité par son employeur. Dans ce cas, un bémol toutefois: le salarié devra accomplir sa formation en dehors de son temps de travail, sinon la concertation avec l’entreprise restera de mise.

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Le compte personnel de formation (Photo : S. Ramis/E. Tôn, eto/)

Mais que ce soit pour une reconversion ou un perfectionnement, l?actif ne pourra suivre que des formations délivrant un titre, certificat ou diplôme. Celles-ci auront été préalablement sélectionnées par les partenaires sociaux et les branches professionnelles en fonction de leur utilité sur le marché de l?emploi.

“Ca permet d’éliminer les formations +macramé+”, selon Hervé Estampes qui a revu toute l’offre de formation de l’Afpa, plus étoffée avec des modules courts comme le demandait la réforme.

Le CPF “est une révolution”, affirme de son côté Christian Janin, président du Comité paritaire national de l’emploi et de la formation (Copanef), instance réunissant les partenaires sociaux qui élabore les listes de formations éligibles au CPF.

“On fait du tri, on hiérarchise alors qu’avant il suffisait de dépenser”, souligne-t-il.

– Problème d’équilibre financier –

Le CPF a été conçu notamment “pour corriger certaines inégalités” d’après le ministère du Travail, comme de réorienter la formation vers les salariés des petites entreprises ou les moins diplômés.

Mais pour Marc Ferracci, professeur à l’université de Nantes et membre du Centre de recherche en économie et statistique (Crest), le CPF, qui est “un bon dispositif à l’origine”, pourrait “maintenir voire encourager les inégalités à la formation professionnelle”.

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ôle emploi le 27 août 2014 à Armentières (Photo : Philippe Huguen)

Parmi les griefs, 80% des formations interprofessionnelles proposées dès janvier démarrent à bac +3.

“On est dans l’ubuesque, on a besoin de former les moins qualifiés et on fixe par décret une liste de formations issues de l’enseignement supérieur”, dénonce-t-il, “et d’autres formations très utiles pour insérer les moins qualifiés, passent entre les mailles du filet: on n’est pas en phase avec le marché du travail”.

M. Janin explique pour sa part que les listes de formation publiées en janvier sont provisoires. Au cours de l’année de nouvelles formations seront ajoutées, assure-t-on au ministère.

A l’origine de ce retard dans le choix des formations éligibles au CPF: les difficultés d’entente entre partenaires sociaux dans les branches professionnelles pour définir l’utilité d’une formation et si l’on adopte une vision restrictive du terme ou pas. Car proposer plus de formations éligibles au CPF signifie plus de demandes de financement.

Pour M. Ferracci, spécialisé dans l’évaluation des politiques de formation professionnelle, “on n’a pas pensé à l’équilibre financier du dispositif”. Avec 0,2% de la masse salariale consacré au CPF, hors abondement volontaire des entreprises, “1,2 milliard d’euros serait dédié au CPF”.

“Or, en prenant une hypothèse prudente de 5% de taux d’utilisation du CPF, on se rend compte qu’il va coûter de 5 à 6 milliards”, affirme le chercheur.

Ce qui pose avec d’autant plus d’acuité la question des crédits d’heures de formation dont pourraient disposer les chômeurs ayant un CPF vide.