Argentine : vers un dénouement, sans hâte, du litige avec les fonds “vautours”

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érence à Buenos Aires, le 25 novembre 2014 (Photo : Juan Mabromata)

[31/12/2014 08:52:19] Buenos Aires (AFP) La clause Rufo, épée de Damoclès suspendue au-dessus de l’Argentine, expire mercredi soir, ouvrant la voie à un règlement du vieux litige avec les fonds “vautours”, même si les deux parties ne paraissent pas chercher un compromis à court terme.

“Le gouvernement argentin ne semble pas pressé de s’engager dans une négociation rapide, car cela coûterait cher et le coût politique serait important” avec l’élection présidentielle d’octobre 2015 en point de mire, note Matias Calugati, économiste en chef de l’institut Management & Fit.

La troisième économie d’Amérique latine, aujourd’hui fragilisée après une décennie de forte croissance, est sous le coup d’une condamnation à verser 1,3 milliard de dollars à NML et Aurelius, deux fonds spéculatifs qui avaient acheté de la dette argentine à prix cassé.

La présidente de centre-gauche Cristina Kirchner s’y est refusée, entraînant le placement du pays en défaut partiel par les agences de notation.

Si l’Argentine avait appliqué le jugement américain lui enjoignant de verser à NML et Aurelius 1,3 milliard de dollars, soit 100% de la valeur des titres de dette, alors que 93% des créanciers se contentaient de 30%, ces derniers auraient pu saisir eux aussi la justice et faire valoir un non-respect de la clause Rufo (Rights Upon Future Offers) garantissant un même traitement pour tous les créanciers.

Buenos Aires ne pouvait donc que se dérober, pour éviter de faire péricliter l’accord avec l’immense majorité des créanciers.

Et sa situation financière actuelle pourrait l’inciter à prolonger l’attente: après une année sous les 30 milliards de dollars, la Banque centrale d’Argentine (BCRA) a redressé la barre et affiche 31 milliards dans ses caisses, grâce notamment à un prêt de la Chine de 11 milliards, dont elle a déjà puisé un peu plus d’un milliard.

“Plus l’Argentine parvient à se procurer des dollars, moins elle sera tentée par une négociation maintenant, plus elle privilégiera une négociation à long terme. (…) Il faut laisser passer le premier trimestre pour voir si l’horizon se dégage”, selon Matias Calugati.

– Les fonds dans l’expectative –

La baisse du cours du pétrole conforte l’Argentine dans cette position attentiste. Dans un pays importateur d’hydrocarbures, notamment de gaz, elle est synonyme d’un allègement en 2015 de 2,5 milliards de dollars, selon les calculs des autorités argentines.

Paradoxalement, les fonds “vautours” semblent eux aussi dans l’expectative.

“L’impression, c’est qu’avec un changement de gouvernement, ils pourraient obtenir davantage qu’avec l’actuel”, relève Matias Calugati.

Même constat chez Ramiro Castiñeira, de l’institut Econométrica: “Plusieurs candidats d’opposition (dont le maire de Buenos Aires, Mauricio Macri) ont annoncé leur stratégie: payer. Dans ce cas, pourquoi se presser de négocier avec le gouvernement Kirchner?”

NML et Aurelius détiennent environ 1% de la dette argentine, mais des fonds détenant les autres 6% de la dette ont systématiquement refusé tout allègement et attendent aussi leur dû. Certains d’entre eux ont entamé des procédures judiciaires aux Etats-Unis et espèrent faire plier Buenos Aires.

Jusqu’ici, le gouvernement Kirchner leur a tenu tête, assurant cependant que l’Argentine souhaitait solder sa dette avec l’ensemble de ses créanciers, mais pas à n’importe quel prix.

Le pays sud-américain a vécu en 2014 une année difficile, marquée par une dévaluation, une accentuation de l’inflation (au moins 30%), la chute du prix du soja et un ralentissement de l’activité économique. Il ne veut pas dilapider ses réserves.

Le processus de remboursement de la dette publique aux créanciers privés est dans une impasse depuis six mois. L’échéance due fin juin a été bloquée par la justice américaine pour non-application du jugement contre l’Argentine, ce qui a provoqué son placement en défaut partiel.

Le gouvernement argentin a proposé de rembourser ses créanciers à Buenos Aires plutôt qu’à New York, mais l’offre n’a tenté personne.

“L’Argentine veut et peut payer”, a récemment assuré le ministre de l’Economie Axel Kicillof. “Le problème ne vient pas de l’Argentine, il vient des +(fonds) vautours+ qui n’ont jamais voulu négocier, ils veulent toucher les 100%, ils veulent mettre la Nation à genoux”.

Mais l’Argentine “ne changera pas de position vis-à-vis des (fonds) vautours”, a-t-il promis, maintenant la ligne consistant à rembourser tous les créanciers à 30% de la valeur des bons.