Nidaa Tounes a jeté les dés et c’est Habib Essid qui sera chef du gouvernement. Tout porte à croire qu’il sera adoubé par BCE. Il n’est pas issu des rangs de Nidaa mais il est handicapé par de lointaines accointances avec l’ancien régime. Du coup, son indépendance est quelque peu entachée, alors il doit prouver son autonomie pour éteindre la crainte d’une mainmise de Nidaa sur le gouvernement.
Le choix de Habib Essid met fin à toutes les spéculations autour du nom du premier chef de gouvernement de la deuxième République. Cependant, la révélation du nom ne résout pas toute l’énigme. En effet, la moitié du suspense persiste. Habib Essid a réussi à l’épreuve d’admissibilité. Il lui reste à accomplir le reste –sans doute le plus dure- du parcours sous sa propre casquette. Et, l’opinion attend de le voir s’affirmer sur la scène face au président de la République et surtout empêcher une mainmise de Nidaa sur son gouvernement.
Une personnalité politique mais pas un personnage public
Habib Essid a cultivé une certaine discrétion, dans son cursus. Le plus qu’on sait de lui c’est que c’est un haut commis de l’Etat puis anicien ministre de l’Intérieur de BCE. De ce côté, c’est une personnalité politique confirmée et expérimentée. Il reste que, vis-à-vis de l’opinion, il n’a pas établi un statut d’homme public à l’expertise avérée. D’ailleurs, sa popularité étant ce qu’elle est, il doit entreprendre tout un travail “d’image building“ pour se faire connaître du grand public.
Le nouveau chef du gouvernement doit donc faire un travail de conquête de l’opinion s’il veut être appuyé par le bon peuple. Il doit en priorité convaincre de son autonomie et tracer les contours de son périmètre de pouvoir enfin décider de son territoire de décision.
Deux grandes épreuves l’attendent: la constitution du gouvernement et son programme. Il est appelé à prouver qu’il se tient loin de toute interférence de l’appareil de Nidaa -et cela au bénéfice des deux. C’est une garantie pour sa stature propre afin qu’il puisse asseoir son pouvoir. Et, dans le même temps, c’est une caution publique qui laverait Nidaa de toute tentative d’hégémonie dont l’affublent tous ses adversaires politiques. Bien entendu ces deux éléments aideront à la stabilité du gouvernement.
Une situation confortable au Parlement?
Indépendant, Habib Essid a priori devrait avoir les mains libres pour négocier la plus large coalition parlementaire qui viendra en soutien à la formation de son gouvernement. Le nouveau chef du gouvernement bénéficie d’ores et déjà du soutien de la coalition qui s’est formée au deuxième tour de la présidentielle autour de la candidature de BCE, soit Afek Tounès, Al Moubadara et l’UPL. Mais le tout n’est pas de disposer d’une majorité à l’Assemblée. C’est l’étendue de cette majorité qui est importante. Plus la majorité est large et plus l’efficacité à l’action du gouvernement est importante. Il n’échappe à personne que la perspective d’une large majorité évite les blocages de procédure et les crises qui sont d’une forte probabilité dans le régime parlementaire sous lequel vit la Tunisie à la faveur de notre récente Constitution.
Dit clairement, Habib Essid va-t-il chercher à se rapprocher d’El Jabha, candidat le plus présentable politiquement? Ou alors ira-t-il vers Ennahdha, allié autrement plus encombrant mais avec qui il a tissé un premier contact lors de son passage à La Kasbah comme conseiller de Hamadi Jebali?
L’architecture de sa majorité déterminera le degré de stabilité du gouvernement et peut-être de la longévité politique du nouveau locataire de La Kasbah.
Une lourde responsabilité
Habib Essid a coiffé au poteau les caciques de Nidaa qui sont intéressés par le Job, de même qu’un bon nombre de figures indépendantes tout aussi éligibles à la fonction. Il lui faut donc faire la différence.
Tous les observateurs s’accordent déjà à penser que le choix de Habib Essid signifie que la question de la lutte contre le terrorisme sera la priorité des priorités. Dans ce cas de figure, on peut penser qu’il y aura un super ministère de l’Economie et des Finances. Et dans cette perspective, certains candidats peuvent être repêchés. Ils seraient éventuellement en position de vice-chef du gouvernement et éventuel remplaçant. Comme le disait Michel Roussin, ancien ministre français de la Coopération, la solidité du gouvernement s’adosse au trio de base des départements des Finances, de l’Economie et de l’Intérieur.
Cependant, une chose semble acquise, c’est que BCE aura son état de grâce parce que Habib Essid devra aller au charbon dès sa prise de fonction, et c’est lui qui devra imprimer son empreinte personnelle aux cent premiers jours qui seront, à n’en pas douter, son véritable baptême du feu.