Les grands projets du ministère de l’Equipement, en berne depuis des années, ont été relancés. Tous les travaux des autoroutes, des routes, des pistes rurales et d’autres de protection contre les inondations ont redémarré. Il n’y a plus de chantiers en arrêt, ce qui a exigé du temps. Ce qu’il faut aujourd’hui, s’est assurer le suivi pour garantir la continuité.
Dans notre administration, la culture du suivi n’existe malheureusement pas, estime Hédi Larbi, ministre de l’Equipement.
Conséquence: dès qu’un nouveau problème réapparaît, nous risquons de remettre les pendules à zéro. Pour cela, il a fallu déployer de grands efforts en matière de mobilisation des équipes et de résorption de problèmes contractuels avec les entreprises avec lesquelles l’Etat est déjà engagé dans des projets à caractère public.
Le problème foncier a pris énormément de temps et représentera pour longtemps un frein important pour le redémarrage de tous les travaux publics. L’expropriation légale figure en tête de liste. Il faut entamer rapidement le chantier des réformes, précise Hédi Larbi, et résoudre les problèmes structurels dont souffre l’administration. «Nous avons essayé dans un premier temps de faire le diagnostic de l’administration. Son absence de réactivité, d’efficience, son manque de performances et certains obstacles d’ordre procédural entravent sa bonne marche. La raison principale se rapporte aux politiques entreprises et mal conçues depuis des décennies. Si nous prenons l’exemple de notre ministère, nous réalisons que la stratégie mise en place concernant l’habitat social date du début des années 90, c’est totalement dépassé aujourd’hui. Nous avons repensé toute la stratégie touchant à l’habitat social, nous avons fait une consultation nationale à laquelle ont été associées toutes les parties prenantes. Nous publierons incessamment le rapport final et nous avons d’ores et déjà commencé à mettre en œuvre certaines mesures que nous avons estimées urgentes».
Le ministère a focalisé sur les grandes problématiques telles les constructions anarchiques incontrôlables, l’urbanisme galopant sans aucun respect pour l’environnement et pour la qualité de vie des citoyens. Les législations en matière d’urbanisme sont complexes, ce qui ne facilite pas la tâche des autorités publiques, sans oublier le fait que tout au long de ces dernières années, les municipalités ont été presque absentes.
Il fallait par conséquent commencer par simplifier la législation pour mettre en place un plan d’aménagement urbain actualisé qui réponde aux exigences du moment et de l’avenir.
Pour ce, il aurait fallu au moins 5 ans, l’objectif selon le ministre de l’Equipment est de réduire le temps pour la révision de la législation à une année et demie en commençant par assouplir les procédures et raccourcir les délais. Le but est de mettre en place les outils nécessaires à un aménagement urbain adapté à une qualité de vie convenable et garantissant le bien-être des citoyens. «Il faut que la volonté politique suive et que les lois soient appliquées. Nous ne devons pas accepter que des individus construisent de manière anarchique sans respecter les lois ou les normes de sécurité et esthétiques minimales en matière d’habitations individuelles et collectives. Toutes les instances publiques doivent assumer leurs responsabilités à ce niveau et ne pas accorder aux contrevenants, des permis de construire, de l’eau, de l’électricité ou légaliser leurs agissements».
Un décret pour amender les politiques des plans d’aménagement urbain
Les nouvelles réglementations sur lesquelles planche aujourd’hui le ministère de l’Equipement vont dans le sens du respect des plans d’aménagement urbains. Les aspects techniques et juridiques pour amender le décret touchant à l’aménagement urbain et à son développement sont à l’étude et l’amendement se fera par décret. Pareil pour l’habitat social. Toutes les politiques de mobilisation des ressources ou des réserves foncières doivent être revues. «Car ce qui se passe actuellement est que nous avons la fausse impression de mobiliser ces réserves en prétendant devancer l’urbanisation galopante. Dans la réalité, ce n’est pas le cas: il n’y a eu aucune mobilisation des ressources foncières et même les deux fonds existants pour l’acquisition de réserves foncières n’ont jamais été mis en place. Aujourd’hui, nous avons revu l’assiette de ces fonds et nous essayons de simplifier les procédures pour pouvoir acheter les terrains nécessaires pour les équipements collectifs, pour la voierie, les réseaux routiers, etc. Là où, en tant qu’Etat, nous considérerons que la zone est destinée à devenir un centre urbain important, nous pourrions acheter des terrains et les mettre à la disposition des opérateurs privés pour qu’ils puissent viabiliser ces terrains et les placer sur les marchés. A ce propos, nous comptons ouvrir des agences foncières autonomes dans les régions de l’intérieur pour qu’elles évaluent chacune leurs besoins en fonction de la demande et de l’existant».
L’AFH n’aura plus le monopole de la gestion foncière
Le but est, d’après le ministre de l’Equipement, de mettre sur le marché un éventail de produits et une offre assez riche pour éviter les spéculations et les surenchères et faire baisser les prix. La spéculation foncière que le pays vit depuis un certain nombre d’années a enrichi certaines personnes et appauvri nombre d’autres et a éliminé la possibilité chez les couches moyennes et faibles de pouvoir acquérir des terrains ou un logement. «Nous allons, à ce propos, réévaluer l’assiette de la taxe foncière et son taux, assurer le dispositif nécessaire pour la collecter et mettre une partie des ressources générées à la disposition de la collectivité».
L’AFH (Agence Foncière de l’Habitat) ne peut plus détenir le monopole de la gestion des réserves foncières, elle doit pouvoir aujourd’hui faire appel à d’autres aménageurs. C’est une agence qui ne satisfait même pas à la demande minimum. Dans les années 70 et 80, cette agence a peut-être joué un rôle important, aujourd’hui, il faut ouvrir le marché et permettre à d’autres opérateurs de faire de l’aménagement à condition que l’Etat puisse contrôler, avoir les réserves foncières et que les privés puissent y accéder.
Les fonds sociaux peu utilisés…
Pour ce qui touche aux logements sociaux, le ministre de l’Equipement déplore le fait que les fonds qui leurs sont consacrés soient peu utilisés: «Il va falloir les reconcevoir et mettre en place un système qui permette d’en user à 100% tous les ans et pas à hauteur de 25%, ce qui se passe depuis des années. Il est inadmissible de disposer de ressources financières qui ne servent pas le logement social. Je trouve erronée cette vision qui veut que ce soit l’Etat uniquement qui se préoccupe des logements sociaux. Fausse approche. L’Etat doit accorder des financements aux familles en situation précaire ou à la classe moyenne qui s’est appauvrie. Nous pourrions ainsi créer un marché où il y a de l’abondance, les prix baisseront et les privés pourront plus être présents dans le logement social».
Quid de la taxe sur la plus-value foncière
Ce n’est pas évident car pour les privés, il s’agit de trouver le juste équilibre en consacrant une partie de leurs terrains aux logements sociaux à des prix abordables et se rattraper sur le haut standing surtout que l’AFH cède des terrains destinés au haut de gamme à des prix relativement bas. «Il n’y a pas de taxe sur la plus-value foncière en Tunisie, ce qui est quand même bizarre, là aussi, il va falloir la mettre en place pour mettre au pas ceux qui font de la spéculation foncière. Les ressources issues de cette taxes seront reversées aux lignes de financements pour logement destinées aux classes défavorisées».
Réinjecter sur le marché des fonds pour les logements sociaux, permettre aux privés d’accéder aux réserves foncières et d’intégrer le marché des habitations pour les classes vulnérables œuvrera certainement pour redynamiser le marché immobilier. Cela servira également à élargir la panoplie des produits offerts par les opérateurs dans l’immobilier qui ne trouvaient pas leur «compte» dans le social. Tout dépendra de la capacité des décideurs publics à oser appliquer les réformes et assouplir les procédures légales complexes gérant un marché où spéculation et corruption sont légion..