Le gouvernement sortant de Mehdi Jomaa, connu pour être un gouvernement sinistrose, a été, en cette fin d’année, à la hauteur de sa réputation. Son administration a exploité la période de la passation des pouvoirs entre Béji Caïd Essebsi et Marzouki pour donner une idée catastrophique de l’économie du pays et annoncer plusieurs augmentations de prix à effet multiplicateur sur les produits dérivés.
La Banque centrale a été de la partie. Le dernier communiqué de son conseil d’administration a rappelé pour la nième fois et avec le même cynisme habituel que la croissance n’est pas toujours au rendez-vous avec le même rythme souhaité et que le déficit commercial ne cesse de s’aggraver (8,3% du PIB).
Ce gouvernement aurait pu annoncer des mesures encore plus dramatiques (augmentation du prix du pain, pâtes alimentaires et carburant…) n’eussent été la chute significative du cours mondial du prix du pétrole (52 dollars) et les projections annonçant, pour 2015, une augmentation de la production agricole.
Bien évidemment, à aucun moment la responsabilité de ce gouvernement «catastrophe» dans cette récession n’est évoquée. Néanmoins, il n’est pas inutile de s’interroger sur le timing et la concomitance de la publication de ces mauvaises nouvelles.
Voici la liste des mauvaises nouvelles annoncées pour le 1er janvier 2015.
Le prix du lait majoré
Les prix du lait stérilisé demi-écrémé ont été augmentés dès le 1er janvier 2015. Ainsi en a décidé le ministère du Commerce et de l’Artisanat.
Concrètement, les prix de vente au public sont fixés à 1.120 millimes pour le paquet de 1 litre, 1.070 millimes pour la bouteille de 1 litre et 1.080 millimes pour la bouteille plastique à trois couches.
Le non dit c’est que cette majoration va provoquer une chaîne d’augmentations des prix des produits dérivés (yaourt, fromage, crèmes, produits pâtissiers…).
Augmentation des tarifs du péage
Les tarifs des péages sur les autoroutes sont augmentés en fonction de la catégorie du véhicule. Les nouveaux tarifs de péage, mis en application à compter du 30 novembre 2014, concernent les autoroutes reliant Tunis à Medejez El-Bab, Tunis à Bizerte, Hammam-Lif à Msaken et Msaken à Sfax.
L’augmentation varie entre 100 et 800 millimes. Cette augmentation ne manquera d’avoir des répercussions financières certaines sur d’autres prestations de transport.
Augmentation du prix des journaux
A partir du 1er janvier 2015, le prix des quotidiens sont majorés de 100 millimes. A titre indicatif, des journaux comme Assarih et Al Maghreb se vendront respectivement à 700 et à 900 millimes. Une seconde augmentation est programmée pour le reste de l’année.
Majoration annoncée des prix du tabac et des boissons alcoolisées
Les prix du tabac et des boissons alcoolisées connaîtront, en 2015, une nouvelle hausse. Une source bien informée au sein du ministère des Finances a indiqué, dans une déclaration à l’agence TAP, que le budget de l’Etat pour l’exercice de l’année 2015 fait mention d’une mesure portant sur la majoration des prix des cigarettes et des boissons alcoolisés.
Cette nouvelle hausse variera entre 6 et 10% et concernera aussi bien les cigarettes de fabrication locale que celles importées de l’étranger.
Le nombre des pauvres estimé à 2,6 millions
Najet Dkhili, directrice du développement social au ministère des Affaires sociales, a estimé, le 3 janvier 2015, le taux de pauvreté en Tunisie en 2014 à 24% de la population, soit 2,6 millions de Tunisiens. Toujours selon elle, quelque 250.000 familles, soit 90% des familles démunies, sont originaires des gouvernorats de Jendouba et de Kasserine. Ces familles bénéficient d’une aide sociale de l’Etat.
L’offshore autorisé à écouler 50% de sa production sur le marché local
Selon les dispositions de la loi des finances 2015, les sociétés totalement exportatrices sont autorisées à écouler, à partir du 1er janvier 2015, leur production sur le marché tunisien, à hauteur de 50% de leur chiffre d’affaires réalisé en 2014, au lieu des 30 à 20% autorisés auparavant.
Conséquence: il faut s’attendre à une forte concurrence déloyale entre l’offshore et l’onshore, avec un onshore atone.
Le ministère de l’Economie et des Finances s’en défend et justifie une telle mesure par les difficultés que rencontrent les entreprises industrielles totalement exportatrices actives en Tunisie dans l’écoulement de leur production sur le marché extérieur. La raison étant une conjoncture internationale difficile ne permettant pas de conquérir de nouveaux marchés extérieurs.
La loi de finances 2015 souligne cependant que les ventes seront soumises aux taxes en vigueur, à l’instar de la taxe sur la valeur ajoutée, la taxe sur la consommation, la taxation appliquée au profit des fonds spéciaux du trésor et l’imposition appliquée aux entreprises à vocation industrielle, commerciale ou professionnelle. Il s’agit, par ailleurs, de l’impôt sur le revenu et de l’impôt sur les sociétés au titre des bénéfices sur les ventes.
Le prix de l’électricité et du gaz augmentera probablement en 2015
Le ministre de l’Industrie, de l’Energie et des Mines, Kamel Bennaceur, a assuré qu’il est probable qu’il y ait une augmentation des prix de l’électricité et du gaz en 2015. Cette augmentation serait de l’ordre de 7% et se fera en une seule fois.
Selon lui, ces prix sont à évaluer en fonction des prix mondiaux du gaz et du baril de pétrole. Mais à notre connaissance, les cours mondiaux du pétrole et du gaz sont en chute libre. Le prix du baril est actuellement à moins de 52 dollars.
Baisse des IDE en 2014
Le flux des investissements étrangers, d’un montant global de 1,64 milliard de dinars, a chuté, entre 2013 et 2014 (11 premiers mois), de 8,6%, d’après les statistiques de l’Agence de promotion de l’investissement extérieur (FIPA).
Ces investissements sont répartis entre 1,49 milliard de dinars générés par des investissements directs étrangers (IDE) et 151,9 MDT provenant d’investissements en portefeuille.
Comparés à la même période de 2010 (année de référence), les investissements étrangers ont enregistré une régression de 26,2%, avec une chute des IDE de 25,1% et des investissements en portefeuille de 35,4%.
La répartition sectorielle révèle une baisse de 11,2% des investissements dans l’énergie qui se sont élevés à 870 MDT. Ces derniers ont considérablement chuté par rapport à 2010 (- 30,4%).
Pour les investissements étrangers dans le secteur industriel, qui ont atteint 294,2 MDT, la régression par rapport à 2013 a été aussi importante (-37,8%) et s’est nettement accentuée par rapport à 2010 (-44,2%).
En chute également, le secteur de l’agriculture qui a accusé une baisse par rapport à 2013, de 45,5%, pour un faible montant d’investissement de 6,2 MDT.
L’embellie vient du secteur des services dont les investissements sont en progression de 53,4% par rapport à 2013 et de 52,1% par rapport à 2010.
Phosphate… des pertes à l’horizon
La Compagnie des phosphates de Gafsa (CPG) a enregistré, au cours de l’année 2014, des pertes estimées à 20 millions de dinars (MDT), l’équivalent du coût d’une dizaine de grosses fromageries. Selon les données publiées, à cet effet, par la compagnie, ces pertes sont dues à la régression de la production, régression imputée aux mouvements sociaux menés dans le bassin minier. L’arrêt de production de ses unités, enclenché depuis le 13 décembre 2014, a généré, à lui seul, une perte journalière d’environ 10 mille tonnes.
Conséquence, elle n’a pu produire, en 2014, que 3,9 millions tonnes du phosphate contre des prévisions qui tablent de 5,5 millions tonnes alors que les unités de transformation du phosphate n’ont transformé qu’environ 3,6 millions tonnes.
Le Groupe Chimique tunisien annonce à son tour des pertes. Le PDG du Groupe Chimique Tunisien, Romdhan Souid, a déclaré, vendredi 2 janvier 2015, que la grève ouverte observée par les employés de transport a causé des pertes de 25 millions de dinars au groupe. Il a ajouté que ces pertes pourraient atteindre les 50 millions de dinars.
Romdhane Souid a aussi déclaré que le Groupe Chimique n’a pas réussi à atteindre les 50% des gains de 2010 durant les quatre dernières années à cause des grèves.
Taux de croissance faible et un déficit commercial préoccupant
Le communiqué du conseil d’administration de la Banque centrale de Tunisie, publié fin décembre 2014, fait mention de deux faiblesses majeures.
Premièrement, le taux de croissance économique demeure à un niveau relativement faible au cours du troisième trimestre de l’année 2014, de 2,3% en glissement annuel, soit un taux très proche de celui enregistré au trimestre précédent (2,2%), et ce, en rapport surtout avec la contraction de la production des industries non-manufacturières et la baisse du rythme d’activité dans le secteur des services marchands.
Deuxièmement, le communiqué signale la persistance des tensions provenant de l’élargissement du déficit courant qui s’est élevé à 6,83 milliards de dinars ou l’équivalent de 8,3% du PIB, au cours des onze premiers mois de l’année 2014, contre 7,1% au cours de la même période de l’année précédente. Cette évolution est imputable, principalement, à l’aggravation du déficit commercial qui a dépassé 12,5 milliards de dinars, sous l’effet de l’accroissement continu des déficits de la balance énergétique et de la balance alimentaire.