Élections, faillite, panique bancaire : le scénario (peu probable) d’un “Grexit”

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èce de 1 euro fabriquée en Grèce (Photo : Philippe Huguen)

[06/01/2015 16:39:42] Paris (AFP) Un gouvernement qui refuse d’honorer ses prêts, la BCE qui se fâche, les Grecs qui vident leurs comptes et les investisseurs qui sonnent la curée: voilà à quoi ressemblerait un “Grexit” (la sortie de la Grèce de la monnaie unique) selon des économistes, qui ne croient guère à cette possibilité dans l’immédiat.

A chaque fois depuis le printemps 2010, la dramaturgie est la même: une échéance pour la Grèce (élections, versement financier), un commentaire plus ou moins officiel venu d’Allemagne, et voilà que les Bourses plongent à l’idée d’une sortie de la Grèce de la zone euro, un “Grexit” (“Greece” et “exit”).

Cette fois encore, cela n’a pas raté: samedi, le magazine Der Spiegel glissait que la chancelière Angela Merkel était prête à laisser la Grèce sortir de la zone euro, au cas où la Gauche radicale (Syriza) remporterait les législatives du 25 janvier, et remettrait en cause la rigueur.

Le leader de Syriza, Alexis Tsipras, veut en finir avec l’austérité imposée par la troïka des créanciers internationaux (Union européenne, Banque centrale européenne, Fonds monétaire international) en échange de quelque 240 milliards d’euros de prêts. Il souhaite aussi restructurer la dette, en clair, renégocier les crédits.

Les marchés ont rapidement réagi à la rumeur venue de Berlin: taux d’intérêt des pays solides en chute libre (Allemagne, France), débandade lundi des places boursières (Paris -3,31%, Milan -4,92% et chute de plus de 3% de Madrid), et euro déprimé.

Le scénario qui les inquiète est le suivant, tel que décrit sur son blog par Alexandre Delaigue, professeur d’économie à l’école française de Saint-Cyr.

“Les négociations entre le nouveau gouvernement grec et la troïka se tendent et n’aboutissent pas. A une échéance de paiement de dette, Athènes refuse de payer. Cela inquiète tout le monde, les Grecs vont précipitamment retirer leurs économies des banques, craignant une sortie de l’euro; les investisseurs retirent leurs capitaux”, écrit-il.

Exsangues, les banques grecques réclament alors une aide urgente de la BCE: “Si la BCE émet des conditions (au gouvernement) et que Syriza refuse, d’un coup, la devise créée par la banque centrale grecque cesse d’être des euros comme les autres”, soit un “Grexit” de fait.

Athènes “doit alors mettre en place un mécanisme de contrôle des flux de capitaux pour éviter leur fuite, émettre de nouveaux billets dont la valeur diminuerait rapidement par rapport à l’euro, ce qui rendrait inéluctable un défaut total sur sa dette libellée en euro”, explique l’économiste.

Juridiquement, la Commission européenne insiste sur le fait que l’appartenance d’un pays à l’union monétaire est “irrévocable”. Mais “même s’il n’y a pas de clause” prévoyant qu’un pays quitte la zone euro, “il reste possible de trouver une construction juridique” qui le permette, estime Janis Emmanouilidis, du centre de réflexion European Policy Center.

Une sortie de la zone euro pourrait passer par une sortie de l’Union européenne, possibilité qui, elle, est envisagée par les traités.

Peu nombreux sont les économistes à croire à cette réaction en chaîne dans l’immédiat.

Jörg Krämer et Christoph Weil, de Commerzbank, soulignent dans une note que M. Tsipras n’a pas encore gagné et que de toute façon “ni Syriza ni l’Union européenne ne veulent de sortie de la zone euro”.

– “Mauvais compromis” –

Ils voient venir un “mauvais compromis” entre les créanciers et la Grèce “après une exténuante partie de poker”. Au final, ils estiment à une sur quatre la probabilité d’un “Grexit”.

Pour Christopher Dembik, de Saxo Banque, la Grèce “ne sortira pas aujourd’hui ni demain de la zone euro mais la question pourrait se poser à plus long terme”, par manque de compétitivité et à cause d’une dette gonflée selon lui par les “errements de l’austérité aveugle”.

Pour lui, c’en serait fait alors de la zone euro, ou presque. “Les précédents historiques montrent qu’il est quasiment impossible de maintenir en l’état une union monétaire lorsque le processus de décomposition a commencé”, dit-il en faisant notamment référence à l’éclatement de l’empire austro-hongrois.

M. Delaigue, lui, n’exclut pas que face à la montée de partis d’extrême gauche en Espagne ou en Italie, et d’extrême-droite en France et en Allemagne, les Etats soient tentés de “faire de la Grèce un exemple: soit un pays reste dans le rang, soit il est expulsé, de préférence de la manière la plus douloureuse”.