Elysee le 5 janvier 2015 (Photo : Patrick Kovarik) |
[07/01/2015 17:53:47] Paris (AFP) Cinquième ou sixième place dans le classement des puissances économiques mondiales? Peu importe au final, assurent plusieurs experts pour qui la France et le Royaume-Uni ont des économies similaires, vouées à alterner dans cette hiérarchie.
Le quotidien Le Figaro a sonné l’hallali mercredi en titrant sur la relégation à la sixième place de l’économie hexagonale en 2014, et Twitter bruissait de remarques désobligeantes sur ce nouveau désaveu pour le gouvernement.
“Il y a un différentiel de croissance très important” entre les deux pays, a reconnu le secrétaire d’État à la Simplification Thierry Mandon sur Radio Classique et LCI. “Ils ont peut-être une politique +pro business+ que l’on a tardé à mettre en place en France.”
Mais il ne faut pas y voir selon lui le signe d’un déclin, “cela fait des années qu’on fait un match avec les Anglais”.
Selon des estimations de la Commission européenne datant de novembre, reprises par le Figaro, le Royaume-Uni aurait de fait enregistré 2.232 milliards d’euros de Produit intérieur brut en 2014 contre 2.134 milliards pour la France.
Mais ce n’est pas la première fois que le Royaume-Uni détrône la France: au cours des vingt dernières années selon l’office européen de statistiques Eurostat, Londres était devant Paris de 1998 à 2007.
Population comparable, structure industrielle similaire, niveau de vie semblable, “on est tellement proche qu’il suffit que l’inflation soit un peu différente ou que l’euro et la livre divergent un peu, pour modifier le classement”, souligne l’économiste Eric Heyer de l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), pour qui “on reste dans la marge d’erreur.”
– Livre sterling contre euro –
En 2014 en l’occurrence, les conditions ont été légèrement plus favorables au Royaume-Uni.
La livre sterling s’est d’une part appréciée d’environ 6,5% par rapport à l’euro en 2014, ce qui gonfle mécaniquement son PIB exprimé dans la monnaie commune.
Les statisticiens ont par ailleurs révisés leurs calculs sur la base de nouveaux critères et de données actualisées, explique à l’AFP Ronan Mahieu, chef du département des comptes nationaux à l’Insee. Les PIB de tous les pays en ont profité mais le Royaume-Uni (environ 100 milliards d’euros supplémentaires) plus que la France (60 milliards).
à Londres le 5 janvier 2015 (Photo : Andrew Cowie) |
Les Britanniques ont notamment décidé d’intégrer dans leurs calculs les ressources dégagées par les trafics de drogue et la prostitution. Si l’Insee a bien pris en compte certaines activités liées au commerce sexuel, elle n’a pas inclus le chiffre d’affaires des prostitués de rues et du trafic de drogue, dit Ronan Mahieu.
L’inflation, même si elle n’est pas mirobolante au Royaume-Uni (+1,00% en novembre), est par ailleurs supérieure à celle de la France (+0,3%), accentuant la différence entre les deux pays.
“Ce qui est vrai, c’est que l’augmentation de la richesse est en ce moment beaucoup plus dynamique au Royaume-Uni qu’en France, mais on n’avait pas besoin du scoop de ce matin pour le savoir”, souligne Eric Heyer.
L’économie britannique devrait enregistrer en 2014 une croissance de 2,6%, contre seulement 0,4% pour la France.
Mais, au final, “tout dépend de ce qu’on veut mesurer. Si c’est la richesse des habitants d’un pays, il faut se reposer sur le pouvoir d’achat, leur niveau de vie”, remarque Eric Heyer.
C’est ainsi que selon une mesure de la richesse nationale dite de parité de pouvoir d’achat (PPA) publiée par le Fonds monétaire international, la Chine a détrôné les Etats-Unis de son rang de première puissance économique mondiale en 2014.
“Après tout, en prenant une perspective plus large, on pourrait noter qu’être la sixième (ou cinquième, dans l’épaisseur du trait) économie mondiale quand on a la 20e population mondiale, c’est une belle performance” pour la France, souligne sur son blog Alexandre Delaigue, professeur d’économie à l’école française de Saint-Cyr.
“A terme, le rattrapage économique de pays plus peuplés que la France devrait nous faire encore reculer au classement – le Brésil, en particulier, pourrait rapidement nous dépasser et dépasser la Grande-Bretagne”, ajoute le spécialiste.