La plaie de la Tunisie est le foncier, le problème est de taille et touche toutes les catégories socioprofessionnelles. Il faut oser changer les législations en vigueur, qu’elles touchent à la création, l’aménagement, la maintenance et la gestion des zones industrielles ou agricole ou aux zones urbaines et à l’immobilier.
Pour le ministre de l’Equipement, il faut être dans la vision: «Nous avons restructuré le ministère et introduit une nouvelle démarche dans les différents services incluant une méthode de suivi qui n’existait pas et nous avons développé des stratégies jusqu’à 2030. Nos administrations ne se projetaient pas, nous étions dans le mode sapeurs-pompiers et exécutif, aujourd’hui, nous sommes dans celui de planificateurs et de développeurs».
Une nouvelle stratégie a été mise en place au niveau de la direction générale des Ponts et Chaussés et celle de l’Aménagement du territoire. Le but est de mieux organiser le territoire et utiliser les potentialités économiques de la Tunisie.
Mais un dilemme important se pose à ce niveau: faut-il conforter la tradition imposant au ministère de l’Equipement de bâtir pour les autres ministères ou non? La charge est extrêmement lourde et exige des dépenses importantes. Les équipes sont limitées, ce qui a pour conséquence des retards conséquents et des coûts surélevés.
L’idée est aujourd’hui de tout réorganiser en transformant le département des bâtiments civils en une agence autonome pour qu’elle puisse agir en toute liberté sans être soumise à la lourdeur de la bureaucratie. On pourrait, d’un autre côté, appeler les autres ministères à prendre en charge eux-mêmes leurs propres travaux en leur fournissant les aides nécessaires d’autant plus que, pour la plupart, ils sont dotés des services adéquats. Ceci pourra soulager le ministère de l’Equipement d’un grand fardeau sachant qu’il n’est pas rémunéré pour services rendus. «Nous n’avons pas en tant que ministère les moyens de recruter les personnes capables d’assurer ce surplus de charges. L’Etat perd de tous les côtés: la qualité des bâtiments, le respect des délais et même de la qualité des services que nous sommes en droit d’attende de ce genre d’investissement. C’est néfaste et nous comptons bien y remédier. Dans l’infrastructure routière, nous avons complètement changé de stratégie. Nous avons mis en place un plan de ce qu’elle pourrait devenir d’ici 2030 et comment réussir à la développer pour servir au mieux les intérêts de l’économie et des citoyens».
Contrairement à ce qu’on pense, souligne Hédi Larbi, la Tunisie est très bien équipée et son réseau routier est assez bien connecté. Il ne s’agit donc pas autant de créer des autoroutes que d’entretenir les routes existantes et endommagées. Pareil pour l’éclairage et la signalisation. Du coup, la priorité du ministère est le développement du réseau routier à l’intérieur des régions et la révision des tracés routiers. Car des fois il faut faire un détour de 80 à 90 km pour arriver d’un point à l’autre alors qu’il suffirait d’ajouter une section d’une vingtaine de km pour ramener la distance entre les point A et B de 80 à 40 km. «Nous avons détecté des lacunes au niveau du réseau routier, nous les avons identifiées et nous comptons y remédier».
Le ministère de l’Equipement a mis en place tout un programme pour désenclaver les régions de l’intérieur et améliorer leurs infrastructures routières sans passer forcément par la construction des autoroutes. «Nous construirons des autoroutes mais elles ne figurent pas à la tête de nos préoccupations, le coût d’un km d’autoroute coûte 10 fois celui d’une route normale alors que nos régions intérieures n’en ont pas besoins, sauf s’il s’agit de les relier au littoral. Nous estimons à ce propos qu’il va falloir investir dans des routes expresses, rapides qui coûtent 3 moins cher que les autoroutes et sont aussi efficaces. La logique de la bonne gestion des services publics veut qu’il vaille mieux aller dans des solutions moins coûteuses et efficaces que dans d’autres qui exigent plus de moyens et de temps».
Le plus important aujourd’hui pour mener à terme les projets mis en place par le ministère est de travailler sur la culture de l’administration dans le sens de plus de réactivité et plus d’efficience. Les commis de l’Etat ne doivent plus se réfugier dans la sécurité de l’arsenal des lois mis en place depuis des décennies et qui évoluent peu ou pas au gré du développement socioéconomique. Ils doivent avoir le cran de prendre les décisions qui s’imposent quand il s’agit de servir les intérêts du pays certes dans le respect du cadre légal mais aussi en faisant des efforts au niveau de l’interprétation des lois et leur application de la meilleurs façon possible. Les représentations régionales du ministère de l’Equipement doivent être plus autonomes et avoir la capacité et la volonté de décider si besoin est, bien entendu sous contrôle du pouvoir central.
Le changement de la culture ne se fera pas facilement. Il va falloir faire face aux administratifs psychorigides qui font de la résistance à tout nouveau souffle, ne font pas des efforts outre mesure et se confortent dans l’application primaire des lois. Ils ne sont pas dans la recherche des solutions mais dans celle d’expliquer par des voies «légales» le pourquoi du rejet de la réalisation de telle ou telle œuvre.
Ces personnes sont légion dans l’administration tunisienne. Appliquer les lois aveuglément leur épargne l’effort de faire des efforts pour solutionner aussi bien les problèmes des citoyens que ceux de leurs partenaires publics et privés.
C’est ce qui explique cette résignation que ressentent les Tunisiens dès qu’il s’agit de l’efficience administrative. Une administration encensée pour avoir résisté à 4 années de vaches maigres mais c’est dans sa résistance à tout changement que réside également son incapacité à accompagner les évolutions socioéconomiques du pays, de la région et du monde.