Décidément on ne fait rien comme les autres dans ce pays! Quand nous n’avons pas un problème, hop, on s’en crée un illico! Là où tous les autres ont l’habitude de procéder par convention, nous on s’ingénue à nous poser des questions, à couper le cheveu en quatre et même en six s’il le faut! Cela s’appelle en tunisien «TEMBIR»!
La dernière en date concerne bien sûr la composition du gouvernement. Partout dans le monde où des élections se tiennent et donnent une majorité et une opposition, la majorité gouverne et l’opposition s’oppose! Très clair! En Tunisie pas du tout! Nidaa Tounes peut et a les moyens d’avoir une majorité de coalition au sein de l’ARP, il doit normalement constituer le gouvernement, et il sera, avec ses alliés, responsable devant le peuple de sa gestion. Non!
Il faut que le mouvement Ennahdha ne soit pas exclue, combien de ministres Ghannouchi va-t-il avoir?
Le Front Populaire n’est pas content à cause de la nomination d’Habib Essid comme chef de gouvernement. Même le CPR y va de sa petite musique et crie au scandale parce que Nidaa a choisi une personnalité indépendante, donc il veut esquiver sa responsabilité gouvernementale. Pardi! Il vaut mieux ne pas être à la place de Nidaa par les temps qui courent…
On comprend que les contingences politiques du moment puissent pousser le parti majoritaire à vouloir garantir au moins la neutralité bienveillante d’un parti ou d’un autre au sein du Parlement, mais de là à ce que ceci devienne la règle, on peut complètement fausser le jeu démocratique.
Plusieurs pays au monde ont connu des gouvernements d’union nationale ou de salut public, ça peut se concevoir -et l’Allemagne est le dernier en date à tenter une «grande coalition» entre le CDU et le SPD. Mais ce pays à une tradition de consensus et de cogestion que nous n’avons pas, et il n’est pas en train de mettre en place une démocratie balbutiante comme la nôtre.
D’autre part, Nidaa et Ennahdha ont deux visions opposées de la société, même s’ils se rejoignent au niveau de certains choix économiques libéraux. Il se peut que Nidaa arrive à inventer un modèle du «vivre ensemble» qui intègre le parti de Rached Ghannouchi, mais les deux partis auront des difficultés à «vendre» une coalition pure et simple surtout que les perdants de la présidentielle sont à l’affût de ce qui appuie encore plus leur litanie de la «révolution confisquée»!
De l’autre côté de l’échiquier, à gauche, certaines voix sont difficilement compréhensibles! Le Front Populaire à réussi une performance notoire en faisant élire quelque 15 députés et en constituant une force politique de premier ordre que les 13 partis ou plus qui les constituent n’auront jamais pu avoir! Mieux, le candidat du FP, Hamma Hammami, a su capitaliser les voix d’une gauche, certes plurielle, mais enfin efficace pour dépasser même le score des législatives du FP! C’est encore une performance! Mais le FP et Hamma ont eu ces résultats en s’opposant à Nidaa et à Ennahdha! C’est dans l’ordre des choses, comme s’est dans l’ordre des choses que le FP n’ait pas appelé à voter pour BCE.
Dans ces conditions, pourquoi il y a certains politiques de ce FP et de ses alentours qui n’ont pas cessé de réclamer une voix au chapitre pour le FP dans la constitution du gouvernement? Qu’est-ce que le Front Populaire a avoir avec le programme libéral de Nidaa? Qu’est-ce le FP peut partager avec un parti comme l’UPL qu’il voue aux gémonies?
Le Front Populaire a sa place et toute sa place sur la scène politique, au sein de l’ARP, dans la société civile, au sein des syndicats comme tout le monde le sait. Alors qu’il laisse Nidaa Tounes se débrouiller avec ses choix.
Le «tembir» tunisien ne s’arrête pas là bien sûr! Ne parlons pas des sarcasmes sur les choix du cabinet présidentiel, sur les accointances entre BCE et Rached Ghannouchi, ni sur les longs développements de la rencontre de Paris en 2013 et les scénarios de sciences fictions qui s’y affairent.
Nous sommes évidemment encore novices en démocratie et nous ne connaissons que très peu les jeux politiques que ce mode de gouvernement met en place par la force des choses. Nous aurons le temps de le connaître. Mais nous continuerons toujours «ettembir».