En proie à l’obscurantisme, il ne faudrait pas que la France des Lumières bascule vers la France des ténèbres et du choc des civilisations.
Après la Tunisie, la France est cruellement touchée par l’hérésie terroriste. La liberté de conscience et la liberté de pensée sont en ligne de mire. La Tunisie et la France sont concernées au même titre. Uniront-elles leurs forces pour faire face?
Charlie Hebdo, le sens de la formule qui tue!
Des dessinateurs de presse sont tombés dans le noble exercice de leur métier, c’est-à-dire avec un engagement professionnel total. Nous nous inclinons. Nous saluons leur mémoire. Nos métiers se rapprochent. Mais ils sont différents. C’est la différence entre la plume et le fusain. Nous produisons des “papiers“. Eux, des dessins. Nous trouvons “les mots pour le dire“ et eux “les bulles et le sens de la formule qui tue“, au figuré naturellement’.
On leur reproche d’avoir représenté le Prophète. Personnellement j’ai désavoué, car au motif d’une caricature on a servi un cliché. C’était un cas de franchissement d’espèce. Mais une faute de goût n’est pas sacrilège. Ce n’est pas que ce dessin froisse l’ego musulman. La représentation imagée était l’insolence de trop car elle heurte l’intelligence musulmane. Une bulle aurait suffi. Je le dis et je le répète: je désapprouve mais je ne réprouve point. Je l’ai trouvé inélégant. Je ne l’ai pas décrété mécréant.
J’ai dit aussi que cette forme de satire est étrangère au génie français. Il n’y a qu’à lire le magnifique poème écrit par Victor Hugo sur la mort du Prophète des musulmans ou le livre remarquable de la vie du Prophète écrit par Lamartine pour se faire une idée de l’approche juste de la pensée française pour cette question délicate. Et puis n’oublions pas que la France républicaine a consacré une chaire à la Sorbonne pour l’enseignement de la langue arabe et de la religion musulmane. L’immense Jacques Berque, dans sa traduction du Coran, est allé jusqu’à épouser la rythmique de la langue arabe. La France républicaine a érigé dans sa capitale l’Institut du Monde Arabe. Charlie Hebdo s’est écarté de l’école française en imitant un journal satirique du Danemark, autrement plus grossier et à la limite de l’hostilité.
Œil pour œil et dessin pour dessin
Charlie Hebdo s’est trouvé dans l’œil du cyclone sans l’avoir cherché. C’est simplement bête et méchant, comme le dit sa devise. Des illuminés ont éprouvé le besoin de venger le Prophète, dans le sang, dans la haine, dans la barbarie, dans tout ce qui est étranger à l’islam et à l’humanité en général. En stricte ligne musulmane, ils avaient le droit de répliquer par un dessin et non par la gâchette. L’encre pas le sang.
La France ne doit pas tomber dans le piège de l’amalgame: “tous les mêmes“. Non l’Islam et les musulmans on tété victimes des hooligans de l’intégrisme. Que les Français se souviennent: l’intégrisme c’est la scolastique, c’est cette muselière de la pensée. C’est en son nom que Galilée a été conduit au bûcher. Le journal danois, était sous mauvaise influence. Le Danemark comme le reste du monde anglo-saxon a été infesté par le cancer néo-conservateur. Cette secte prône le choc des civilisations. Elle soutient que le clash entre civilisations est inévitable. Chose d’ailleurs reprise par JM Le Pen dans son interview au Figaro où il précise : “Il fallait s’y attendre“. Mais JM Le Pen est programmé pour relayer cette idée. Ce n’est pas le cas de Charb, directeur de Charlie Hebdo, de Cabu et de Georges Wolinski -au demeurant natif de La Goulette et attaché à la Tunisie-, de Tignous et des autres. Ceux-là ont suivi une pente non pas naturelle mais qu’on leur a savonnée.
“Morts de rire“ titrait un canard belge. Je ne suis pas Charlie mais combien je compatis. Je forme un vœu. Je souhaite que la France ouvre les yeux pour s’apercevoir que la Tunisie a été meurtrie dans sa chair et son âme à plusieurs reprises par ce fléau. Je forme le vœu que les Français se rendent compte que la lutte contre le terrorisme est notre cause commune et qu’elle doit nous rapprocher et non nous dresser les uns contre les autres. Si on veut saluer la mémoire des innocents, luttons. Et ensemble, prenons les devants. Il faut descendre sur terrain et aller affronter le fléau là où il se trouve. Il n’y a pas besoin de faire un dessin.