Pour information: savez-vous qu’il n’existe en Tunisie aucun document officiel accessible au public et dans lequel sont mentionnés, clairement, le prix du baril de pétrole acheté à l’étranger, le prix de vente du baril produit localement et le nombre exact de barils produits par jour, localement?
En plus clair encore, jusqu’à ce jour, et quatre ans après le soulèvement du 14 janvier 2011 et après la divulgation d’informations portant sur l’ampleur de la corruption qui gangrène le secteur de l’énergie à tous les stades (négociation, production et exportation), nous ne savons pas pour combien la Tunisie achète son baril de pétrole importé et pour combien elle vend son propre pétrole à l’étranger.
Nous ne savons également rien sur les fournisseurs et les clients, encore moins sur la qualité du pétrole acheté ou exporté, et rien sur le volume exact des barils de pétrole produits quotidiennement au niveau national et au niveau de chaque gisement et de chaque opérateur. Le dossier semble relever du secret d’Etat.
Dans les autres pays, y compris nos voisins du Maghreb, ces données statistiques sont disponibles avec d’amples détails dans les documents du budget de l’Etat, des bulletins des instituts nationaux des statistiques, du rapport annuel de la Banque centrale et des entreprises publiques opérant dans le secteur des hydrocarbures.
Mutisme total
Des journalistes ont essayé, par leurs propres moyens, de connaître les raisons de ce mutisme auprès des structures concernées (Banque centrale, ministère des Finances -budget de l’Etat-, direction générale de l’énergie, ETAP, INS…). Seulement leurs tentatives ont été vaines et sont rentrés bredouilles.
Même les députés ont été confrontés à ce verrouillage de l’information. Interpellée sur ce dossier, Najla Bouriel, ancienne constituante, a révélé, lors d’un débat organisé à l’occasion de la célébration de la Journée mondiale de lutte contre la corruption (9 décembre 2014) qu’elle-même et ses collègues avaient demandé, dans le cadre de réunions ad-hoc avec des responsables de l’énergie, des précisions sur ces prix et volumes mais leur requête n’a jamais été satisfaite.
Même les experts sont muets sur ce dossier
Au rayon des experts, le mutisme est aussi au rendez-vous. A preuve, interrogé sur ces données lors d’un débat national sur la corruption dans les industries extractives (25 décembre 2014), organisée par l’Association de lutte contre la corruption (ATLUC), Mohamed Ghazi Ben Jemia, docteur en géologie et consultant dans le domaine des hydrocarbures, a esquivé délibérément de répondre à des demandes d’éclairages sur ces chiffres. Il s’est contenté de dire vaguement et sans trop insister que tout dépend du type du pétrole (léger ou lourd).
Cet expert, qui a encadré et participé à plusieurs études de faisabilité dans le secteur énergétique, est, de toute évidence, un fin connaisseur du secteur des hydrocarbures en Tunisie. Il a eu à piloter plusieurs études de faisabilité technico-économiques et à esquisser pour le compte du gouvernement les grandes lignes de la future stratégie énergétique à l’horizon 2030 et plus. Il est sollicité par le Parlement tunisien pour éclairer les députés sur les activités énergétiques. Il est demandé pour effectuer divers audits techniques et financiers. Il est souvent invité par la société civile pour les sensibiliser aux enjeux de réviser le code des hydrocarbures.
Et pourtant, cet expert hors pair prétend, devant la presse et malgré l’insistance de cette dernière, ne pas connaître ni pour combien on achète, ni pour combien on vend notre pétrole, ni dans quelle proportion on produit de barils de pétrole. C’est un peu bizarre non!
Intervenant au cours du débat précité, le secrétaire d’Etat à la Gouvernance, Anouar Ben Khelifa, a déclaré que le gouvernement actuel s’engage, à partir de l’année 2015, à rendre publics toutes les données et documents relatifs à l’exploitation du pétrole et autres ressources naturelles du pays. Il s’agit de toute évidence d’une déclaration sans lendemain. Le secrétaire d’Etat fait partie d’un gouvernement sortant.