usine de Sochaux de PSA Peugeot Citroen, le 6 mars 2014 (Photo : Sebastien Bozon) |
[09/01/2015 08:16:14] Paris (AFP) Il reste impossible pour les Américains d’acquérir une Renault ou une Peugeot neuve, mais entre alliances, filiales et équipementiers, le secteur automobile français profite aussi du dynamisme retrouvé du deuxième marché mondial, à l’orée du salon de Detroit.
Alors que la grande fête mécanique nord-américaine doit ouvrir ses portes à la presse lundi, les grandes marques automobiles françaises en seront une nouvelle fois absentes, sans perspective immédiate de retour.
Pourtant, dans les années 1980, des taxis Peugeot 505 circulaient dans les rues de New York. Renault, en rachetant American Motors, était devenu de facto le quatrième constructeur américain et avait même reçu en 1983 le convoité titre de “voiture de l’année” du magazine Motor Trend pour l’Alliance, une R9 adaptée.
Mais au début des années 1990, les deux groupes avaient quitté les Etats-Unis, victimes notamment d’un contre-choc pétrolier. Citroën, de son côté, était parti dès le début des années 1970 après avoir écoulé quelques milliers de DS et SM.
Aujourd’hui, pour nourrir leur croissance, Renault et PSA Peugeot Citroën se concentrent sur les pays émergents, dont la Chine, devenu premier marché mondial en volume. Mais d’autres nouveaux “Eldorado” automobiles se sont effondrés en 2014, comme la Russie et le Brésil.
Ces replis contrastent avec la croissance de 5,8% enregistrée en 2014 par le marché des véhicules légers aux Etats-Unis, qui a permis de reléguer la crise de 2008 au rang des mauvais souvenirs.
De quoi attiser les regrets des Français vis-à-vis d’un marché réputé rentable, qui reste de loin le premier du monde en valeur?
“Si on veut être un constructeur mondial, il faut qu’on soit présent aux Etats-Unis, mais en termes d’investissements, ce n’est pas un horizon pour nous à moyen terme”, répond à l’AFP le directeur de Peugeot, Maxime Picat: “il est plus logique pour nous de prendre de meilleures positions dans des marchés émergents”.
Une antienne reprise par son collègue au sein de PSA, Yves Bonnefont, patron de la nouvelle marque DS qui vise le juteux “premium”, spécialité allemande. “Notre ambition est que DS devienne une marque premium mondiale, dans ce sens l’Amérique du Nord, premier marché automobile premium, est une zone géographique incontournable. Cependant, dans l’immédiat la priorité de PSA est au redressement, ce n’est donc pas un sujet d’actualité”, explique-t-il.
– “Moyens colossaux” exigés –
Chez Renault, on souligne aussi que la priorité est actuellement aux marchés émergents, en particulier la Chine.
Entrer sur le marché automobile américain “demande des moyens colossaux”, commente Méissa Tall, expert du secteur au cabinet de consultants Kurt Salmon.
Il s’agit d’un marché mature, avec un taux d’équipement élevé; les goûts des consommateurs y sont spécifiques; les normes d’homologation diffèrent de l’Europe; la taille du pays est un défi à l’installation d’un réseau; et “c’est un marché très mouvementé, il faut avoir les épaules assez larges pour pouvoir résister” aux fluctuations des ventes, énumère M. Tall.
Pourtant, les Allemands ont réussi à s’y implanter. BMW réalise aujourd’hui 18% de ses ventes aux Etats-Unis, Daimler (Mercedes et Smart) près de 20%, et Porsche (groupe Volkswagen) 26%. Mais “ils sont sur un segment premium qui échappe un peu aux spécificités des marchés locaux”, selon M. Tall. Par ailleurs, si le marché américain pèse 6% des ventes pour la marque généraliste Volkswagen, celle-ci a subi un net revers en 2014.
Pour les Français, revenir aux Etats-Unis signifierait aussi dépasser leur problème d’image. “Lorsque ces marques ont quitté le marché américain, elles n’avaient pas bonne réputation. Donc, les gens qui s’en souviennent pourraient ne pas être bien disposés à leur égard”, note Stephen Brown, de l’agence Fitch.
Fiat, autre constructeur européen parti sans gloire il y a une génération, a semblé surmonter ce problème: en capitalisant sur sa prise de contrôle du troisième constructeur américain, Chrysler, l’italien a vendu 46.000 de ses puces urbaines 500 et dérivées aux Etats-Unis en 2014.
Pour M. Tall, “il est tout à fait imaginable pour Renault” de faire un jour de même à partir de son alliance avec Nissan, Japonais solidement implanté aux Etats-Unis où il a battu son record de ventes en 2014 avec 1,38 million d’unités (+11,1%).
Cela fait du pays “le premier marché de l?Alliance” devant la Chine, selon un porte-parole de Renault. Nissan contribuant à hauteur de près de 1,5 milliard d’euros par an aux comptes de la firme au Losange, “on voit bien l?impact que peut déjà avoir le marché américain dans les résultats de Renault, sans que pour autant il y soit présent”, relève-t-il.
PSA bénéficie aussi des retombées du marché via Faurecia, sa filiale d’équipement qui a triplé son chiffre d’affaires en Amérique du Nord (Etats-Unis, Canada et Mexique) depuis 2007. Elle réalise aujourd’hui 25% de ses ventes mondiales dans la région et y emploie 22.000 personnes.
D’autres équipementiers français sont susceptibles de toucher les fruits de la croissance automobile américaine: en 2013, Valeo, qui possède 16 usines en Amérique du Nord, y a réalisé 20% de son activité “première monte”; la même année, 35% des ventes nettes de Michelin (16 usines aux Etats-Unis) ont eu lieu dans la même région; et Plastic Omnium, fort de 15 usines en Amérique du Nord, y revendique 27% de ses ventes.