érie compte investir massivement dans le gaz de schiste afin de compenser la baisse de ses revenus pétroliers (Photo : Farouk Batiche) |
[12/01/2015 16:24:06] Alger (AFP) L?Algérie compte investir massivement dans le gaz de schiste afin de compenser la baisse de ses revenus pétroliers, mais elle doit faire face à une hostilité inédite des populations sahariennes vivant près des gisements.
Alger a affiché ses ambitions en annonçant dimanche que le groupe pétrolier Sonatrach investirait pas moins de 70 milliards de dollars sur 20 ans pour produire 20 milliards de m3 de gaz de schiste par an.
La plupart des forages sont prévus dans le sud du pays, où les manifestations hostiles se succèdent dans ces provinces pourtant pas connues pour leur caractère rebelle.
A Tamanrasset, à 2.000 km au sud d’Alger, l?activité commerciale a été lundi quasiment paralysée avec la fermeture de commerces, un rassemblement des employés communaux contre “l?exploitation du gaz du schiste” et une marche pacifique d’étudiants et de lycéens, selon l’agence APS. Dans la sous-préfecture d’In-Salah, un sit-in pacifique est organisé devant le siège de l’administration locale tant que ne sera pas “suspendu” le projet d?exploitation dans la région, selon ses organisateurs.
“La prise de conscience citoyenne a surpris aussi bien l’opinion publique que le gouvernement qui ne sait plus comment calmer le front sans renoncer à son projet”, a résumé le quotidien Liberté.
Jusque là sourd aux cris des manifestants disant “Non au gaz de schiste”, le PDG de Sonatrach, Saïd Sahnoun, est sorti de son mutisme dimanche.
“Nous ne ferons rien et nous n?exploiterons pas cette ressource tant que tout ce qui doit l?entourer sur le plan de la protection de l?environnement et des personnes surtout ne soit réalisé”, a-t-il assuré.
– Plus sensibles à l’environnement –
M. Sahnoun a annoncé qu’une campagne de communication serait lancée pour expliquer les enjeux car l’entreprise comprend “l?inquiétude ou l’appréhension”, qui se cristallisent sur les conséquences de la fracturation hydraulique dans une zone qui recèle d’importantes ressources hydriques souterraines.
Cette méthode d’extraction, qui consiste à injecter à très haute pression de l’eau mêlée à du sable et à des produits chimiques pour libérer le gaz de la roche, est très controversée et souvent mise en avant par les pays qui refusent d’exploiter pour l’instant le gaz de schiste.
M. Sahnoun a assuré que “le puits pilote d’In Salah était en train de produire du gaz propre” et que les rejets des eaux étaient gérés.
Avant lui, plusieurs membres du gouvernement ont tenté de convaincre les récalcitrants. “Le citoyen doit savoir qu?il n?y a pas un Etat qui peut nuire à ses enfants”, a plaidé dimanche la ministre de l’Environnement Dalila Boudjemaa. “Lorsque nous arriverons à la phase d?exploitation, les technologies nécessaires seront prêtes”, a-t-elle argumenté.
D’autres ministres ont accusé l’opposition d'”attiser le feu de la discorde” sur cette question d’une importance majeure dans un pays qui vit essentiellement de la vente de pétrole et de gaz.
“Le gaz de schiste est en fait un élément déclencheur”, observe l’ancien Premier ministre Ahmed Benbitour, passé dans l’opposition, qui prévoit une montée des revendications sur les dossiers politiques, notamment liés à la décentralisation.
Pour le sociologue Toufik Guettouche, les habitants du sud “sont devenus plus sensibles aux questions d?environnement grâce à l?université, aux médias et aux réseaux sociaux”. Dans ce contexte, “les autorités ont mis beaucoup de retard à réagir et entamer un dialogue après l?échec de la force”.
Le patron de Sonatrach a estimé que les ressources techniquement récupérables de gaz de schiste s’élevaient à 20.000 mds de m3.
En Algérie où les hydrocarbures comptent pour plus de 95% des recettes d’exportations, les réserves en gaz conventionnel prouvées sont estimées à plus de 4.000 mds de m3 et celles en pétrole à plus de 12 mds de barils.