La justice européenne dégage la voie à un rachat massif de dette publique par la BCE

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à Francfort (Photo : Daniel Roland)

[14/01/2015 15:17:39] Luxembourg (AFP) La justice européenne a fait un grand pas mercredi vers la validation du programme de rachats d’actifs annoncé en 2012 par la Banque centrale européenne (BCE), dégageant la voie à un nouvel assouplissement monétaire de plus en plus probable.

L’avocat général de la Cour de justice de l’UE a estimé que le programme OMT (pour Outright Monetary Transactions) annoncé à l’été 2012, mais jamais mis en ?uvre, était compatible avec le droit européen sous conditions.

“Nous nous félicitons des conclusions de l’avocat général (…), le programme OMT est là et prêt à l’emploi”, a réagi à Francfort Yves Mersch, membre du directoire de la BCE, précisant que cet avis contenait “certainement des éléments très intéressants” pour les futures décisions de politique monétaire.

La BCE s’apprête à passer à la vitesse supérieure dans son soutien à la zone euro à travers un nouveau programme d'”assouplissement quantitatif” (QE), soit des rachats massifs d’actifs, en particulier de dette publique.

L’avis formulé à Luxembourg mercredi, qui a une forte probabilité d’être repris dans l’arrêt de la Cour attendu à l’été, “a écarté les obstacles juridiques” à un tel nouveau programme, estimait Johannes Mayr, économiste de BayernLB.

– Objections allemandes balayées –

Le président de la BCE Mario Draghi a donné mercredi un nouveau signal de l’imminence de cette offensive monétaire en pointant que la BCE n’avait “pas des possibilités infinies” de soutien à une zone euro guettée par la déflation. Le “QE” pourrait être lancé la semaine prochaine, au plus tard en mars.

Pour Craig Erlam, analyste chez Alpari, la justice européenne porte “un coup sérieux” aux opposants de l’assouplissement quantitatif, “en particulier Jens Weidmann”, le patron de la banque centrale allemande.

L’avocat général Pedro Cruz Villalon a aussi “balayé toutes les objections de la Cour constitutionnelle” allemande, relève Bert Van Roosebeke, du Centre de politique européenne de Fribourg (sud de l’Allemagne).

Celle-ci avait estimé en février 2014 que la BCE outrepassait très probablement son mandat, limité au maintien de la stabilité des prix en zone euro. Avant de se prononcer vraiment, les juges suprêmes allemands ont toutefois sollicité la justice européenne.

Avec le programme OMT, la BCE s’est engagée à acheter sur le marché secondaire, où s’échangent les titres déjà émis, des obligations de certains Etats de la zone euro – ceux qui bénéficient d’un programme d’aide européen -, pour éviter la flambée des taux de leur dette.

La promesse de M. Draghi en août 2012 avait suffi à apaiser les marchés, et le programme est resté lettre morte à ce jour.

Mais s’il venait à être utilisé, plusieurs conditions devraient être respectées, pour M. Cruz Villalon. “Il serait fondamental (…) que la BCE s’abstienne de participer directement au programme d’assistance financière appliqué à l’Etat concerné”, enjoint-il notamment.

– La fin de la Troïka? –

“Cela signifie-t-il la fin de la Troïka?”, s’interrogeaient les analystes de Natixis, “probablement, oui, du moins en cas de mise en oeuvre de l’OMT”.

La “Troïka” composée de la BCE, de la Commission européenne et du Fonds monétaire international (FMI) est chargée de superviser la mise en oeuvre des réformes auxquelles se sont engagés les pays bénéficiaires de prêts de leurs partenaires européens et du FMI. Ses négociations serrées notamment avec le gouvernement grec ont souvent fait la Une des journaux ces dernières années.

M. Cruz Villalon estime aussi que le programme OMT ne devrait pas entraver “la formation d’un prix de marché des titres de dette publique”.

Mais l’avocat général souligne que “la BCE doit jouir d’une large marge d’appréciation dans la conception et l’exécution de la politique monétaire”, et que les juridictions nationales doivent faire preuve “d’un degré considérable de retenue” dans leur contrôle de ses activités.

Un clair appel du pied aux juges allemands, qui devront encore se prononcer et peuvent théoriquement toujours rejeter l’OMT. Cela aurait des conséquences graves pour la zone euro, pouvant aller d’une renégociation des traités européens à une procédure européenne lancée contre l’Allemagne, spéculait mercredi Michael Schubert, économiste de Commerzbank.