à Athènes, le 6 janvier 2015 (Photo : Angelos Tzortzinis) |
[14/01/2015 17:14:38] Athènes (AFP) “Tout est gelé jusqu’aux élections” se lamentent les milieux économiques grecs qui espèrent la formation rapide d’un gouvernement, après les législatives du 25 janvier, pour prendre les commandes d’un pays aux fragiles équilibres financiers.
“Les banques avaient recommencé à bouger un peu, au service des entreprises, mais tout est gelé jusqu’aux élections”, assure Haris Makriniotis, dont le think tank, “Endeavor”, conseille les créateurs d’entreprises.
Le parti de gauche Syriza est donné en tête des intentions de vote face au parti conservateur, Nouvelle Démocratie (ND), du Premier ministre Antonis Samaras.
“Le plus important pour le monde économique, souligne M. Makriniotis, c’est la formation rapide d’un gouvernement, quel qu’il soit, et surtout pas de second scrutin”, inévitable en cas d’absence de majorité parlementaire après le 25 janvier.
“Nous ne sommes pas la Belgique, nous ne tiendrons pas des mois sans gouvernement”, avertit Vassilis Korkidis, chef de la Confédération du commerce grec, selon qui “le climat ne saurait être plus négatif pour le commerce”, qui déjà, à Noël, a pâti de l’incertitude qui règne sur le pays.
La Grèce a renoué avec la croissance au deuxième trimestre 2014 après six ans de récession au cours desquels le pays a perdu un quart de son PIB. Le budget table sur une progression de 2,9% du PIB en 2015.
– Bombes à retardement –
Pour le gouvernement d’Antonis Samaras, qui dirige le pays avec les socialistes depuis juin 2012, le programme de Syriza tuerait dans l’oeuf l’amorce de reprise, marquée notamment par la réalisation depuis 2013 d’un excédent budgétaire primaire — c’est-à-dire que les caisses publiques se remplissent plus qu’elles ne se vident si on exclut la charge de la dette — ou la multiplication par trois des investissements étrangers sur les huit premiers mois de 2014.
La Grèce est passée de la 91e à la 81e place du classement sur la compétitivité du Forum économique mondial et a progressé dans l’absorption, longtemps médiocre, des fonds européens.
Pour Syriza, la reprise, artificielle, cache des bombes à retardement : un taux moyen de créances douteuses de 35% pour les quatre principales banques du pays, qui assèche les liquidités disponibles pour les entreprises ; les impayés des particuliers et entreprises envers l’Etat multipliés par plus de deux depuis 2009 et qui dépassent 70 milliards d’euros, quand les impayés envers les caisses d’assurance sociale atteignent 13,5 milliards et ceux concernant l’électricité augmentent de 30% par an.
La production industrielle et les exportations de biens manufacturés étaient dans le rouge sur les huit premiers mois de 2014.
– ‘Fragile’ –
“Le début de stabilisation économique est d’abord dû aux excellentes saisons touristiques 2013 et 2014”, notait l’économiste Jens Bastian dans un rapport pour la Fondation Friedrich Herbert en novembre.
“Ces prémices de reprise sont trop fragiles et pas assez diffusées dans tous les secteurs de l’économie”, observait-il encore.
Plus sévère, Syriza y voit une “impasse” qui nécessite un allègement de l’énorme dette du pays pour retrouver une marge de manoeuvre budgétaire. Selon le gouvernement, la dette a dû atteindre son pic en 2014 à 177,7% du PIB contre 130% en 2009.
Athènes vit depuis 2010 sous perfusion de ses créanciers internationaux qui se sont engagés à lui prêter environ 240 milliards d’euros en échange d’une austérité drastique.
“Indépendamment de qui gagne les élections, le gouvernement devra faire en sorte que la Grèce continue sur le chemin qui lui a permis de faire ces dernières années de gros progrès, avec beaucoup de solidarité européenne”, a prévenu, de nouveau, le ministre allemand des Finances Wolfgang Schaüble mercredi.
Cette rude négociation avec les détenteurs de la dette grecque, majoritairement les Etats membres de la zone euro, sera l’un des premiers chantiers de Syriza s’il arrive au pouvoir, parallèlement à un catalogue de mesures pour affronter, notamment, “la crise humanitaire” dans le pays.
Le parti chiffre ces mesures à 12 milliards, son adversaire de droite au double.
“Pour le reste, on ne peut pas dire que Syriza s’inscrive purement dans une politique de relance keynésienne”, analyse Napoleon Maravegias, professeur d’économie à l’université d’Athènes. “Ils parlent aussi d’améliorer la concurrence, de soutenir l’investissement des petites et moyennes entreprises. C’est un mélange, on verra à l’épreuve des faits et des éventuelles alliances nécessaires”.