Au regard des tractations que mène actuellement le nouveau chef du gouvernement désigné, Habib Essid, quant à la composition du futur gouvernement, tout indique qu’une seconde Troïka pointe à l’horizon et que le parti majoritaire au pouvoir, le parti de Béji Caïd Essebsi s’apprête à partager le pouvoir, selon la règle des quotas partisans, avec au moins trois partis: Ennahdha, l’Union Patriotique Libre (UPL) et Afek Tounès, et ce en dépit des réserves de plusieurs frondeurs de Nidaa Tounès.
Ce même Nidaa Tounès qui, il y a deux ans, tirait à boulets rouges sur la politique des quotas dans le cadre de l’Union pour la Tunisie (UPT), semble, hélas, se résigner à l’idée de refaire la même expérience, même s’il est convaincu de ses limites, et surtout, de son mauvais rendement.
Les Tunisiens se rappellent encore les difficultés qu’a eues, à cause des quotas, le gouvernement de Hamadi Jebali pour remanier son gouvernement ou pour remplacer un ministre.
L’ultime objectif de Nidaa Tounès est, apparemment, de disposer, au sein de l’Assemblée des représentants du peuple (ARP), d’une majorité confortable et du plus large consensus parlementaire possible pour mener à bien sa politique réformiste, particulièrement pour faire voter une centaine de lois devant consacrer, dans les faits, la nouvelle Constitution.
Les nouveautés de la seconde Troïka
Néanmoins, le nouveau parti majoritaire a tenu à se distinguer de la première Troïka en apportant au moins trois innovations.
La première consistera en la caution régionale en ce sens où, pour la première fois dans l’Histoire contemporaine de la Tunisie, chaque région sera représentée, au moins par un ministre ou un secrétaire d’Etat au sein du futur gouvernement qui comptera 35 membres (ministres et secrétaires d’Etat).
La seconde sera perceptible à travers la nomination, dans une forte proportion de jeunes (entre 40 et 50 ans), à la tête des départements ministériels. Certains avancent le taux de 50%.
La troisième, enfin, portera sur la répartition du gouvernement en quatre lots ministériels. Ainsi, il y aura le groupe des ministères de souveraineté (Défense, Intérieur, Affaires étrangères et Justice). Ce lot se distinguerait, selon les prédictions de certains, par la séparation du département de la Sûreté nationale de celui des collectivités locales.
Il y aura le lot des ministères chargés de créer de la richesse (départements à vocation économique), le lot des ministères de protection et de solidarité sociale (Santé, Affaires sociales…), et le lot de confort et de joie de vivre (Culture, Sport…).
Les risques
Pour des observateurs de la chose tunisienne, le retour de la règle des quotas risque de «bantoustaniser» à l’extrême le gouvernement et d’amener des ministres et secrétaires d’Etat à percevoir leurs départements comme des chasses gardées, ce qui pourrait compromettre l’homogénéité de l’équipe au pouvoir et heurter l’ensemble des Tunisiens.
Plusieurs analystes estiment que les gouvernements tunisiens sont toujours piégés par le partage du pouvoir entre les formations politiques et les régions les plus puissantes et les plus influentes.
Pour mémoire, ce partage du pays comme un butin ne date pas d’aujourd’hui. Il a prévalu en Tunisie, depuis l’accès à l’indépendance en 1956. Il est devenu même une tradition dont il est difficile de se défaire.
Les enjeux sont ailleurs
Par ailleurs, cette politique des quotas risque de plomber l’action du gouvernement, de restituer l’hégémonisme de la présidence, et surtout de retarder encore la réalisation de nombre de projets de développement et d’infrastructure.
Cela pour dire qu’après le désordre qu’a connu le pays par l’effet des quotas au temps de la Troïka, de nos jours, le plus important pour les Tunisiens, ce n’est pas la couleur politique des ministres chargés de tel département ou de tel autre mais leur capacité managériale à mener avec succès, dans le cadre de ses prérogatives, un projet de dimension nationale cohérent, viable et rentable pour tous les Tunisiens, sans exclusion.
A cette fin, il nous emble que seuls la compétence et le mérite doivent être les principaux critères pour adhérer au gouvernement et pour contribuer à ce qui manque actuellement à la Tunisie, en l’occurrence un nouveau modèle de développement qui favorise l’égalité des chances, bannit le déséquilibre régionale et sécurise le Tunisien quant à sa dignité.