à Montreuil (Photo : Bertrand Guay) |
[15/01/2015 19:14:53] Paris (AFP) Ce ne sont que trois petits mots mais ils ont fait le tour du monde et leur auteur Joachim Roncin, le journaliste qui a inventé et twitté #Je suis Charlie, prend désormais ses dispositions pour protéger son slogan d’une exploitation commerciale.
“Joachim Roncin va se baser sur son droit d’auteur pour tenter de maîtriser la diffusion et pour essayer de conserver le message initial intact”, a déclaré à l’AFP son avocate Me Myriam Witukiewicz-Sebban, à propos de ce slogan qui a fait le tour du monde après l’attentat jihadiste contre le journal Charlie Hebdo. Une attaque qui a fait 12 morts la semaine dernière à Paris.
Le slogan, devenu mot de ralliement pour des millions de manifestants et qui depuis symbolise la lutte pour la liberté d’expression, est en effet l’objet de nombreuses convoitises et déjà, on le retrouve sur un peu tout, du Tee-shirt au mug.
Joachim Roncin, 39 ans, qui travaille pour le magazine parisien Stylist, est un peu désarçonné par le tour qu’ont pris les événements depuis son fameux tweet.
“Franchement, je suis choqué par tout ce qui se passe avec les gens qui veulent faire du commerce. Je pense que ça dévalorise profondément le sens et le message initial de ce slogan”, explique-t-il à l’AFP.
“En ce moment, je travaille avec les avocats sur les actions à mettre en place pour lutter autant que possible contre cette récupération. Parce qu’une chose est sûre: beaucoup de gens disent que les bénéfices iront à Charlie hebdo, aux associations, mais il faut savoir si c’est vrai ou pas”.
Cette démarche, ont précisé Roncin et son avocat, sera conduite en coordination avec Charlie Hebdo, dont le dernier numéro est sorti mercredi avec un tirage exceptionnel annoncé de cinq millions d’exemplaires.
Alors que les Parisiens s’arrachaient mercredi et jeudi le journal, dont la “Une” montre une caricature du prophète Mahomet, des exemplaires étaient déjà proposés sur internet à des prix extravagants.
L’institut National de la propriété industrielle (INPI) a indiqué jeudi à l’AFP avoir refusé 120 dépôts de la marque “Je suis Charlie”, dont “deux dossiers qui visent des armes” a-t-il précisé sans autre détail.
épublicaine à Paris le 11 janvier 2015 (Photo : Loic Venance) |
Roncin, qui ne comptait que 400 “followers” sur son compte Twitter, était avec ses collègues quand deux jihadistes ont fait irruption au siège de Charlie Hebdo, en plein coeur de Paris, et ouvert le feu sur les journalistes et caricaturistes aux cris de Allah Akbar.
– Ich bin ein Berliner –
“On était en conf’ de rédaction quand ça s’est passé. Un de mes collègues à regardé Twitter et vu qu’il y avait une fusillade. On a arrêté la conférence et on s’est aperçu qu’il y avait énormément de tweets”, raconte-t-il.
“On ne savait pas s’il y avait des victimes, mais on a vu qu’il y avait déjà de la douleur, forcément… On voyait les tweets défiler, les gens disaient +je suis dégouté+, +je suis horrifié+”, poursuit Roncin.
Il veut alors poster son propre message.
L’idée de cette formule, explique-t-il, lui est venue à partir de phrases célèbres telles que le “Ich bin ein Berliner” (Je suis Berlinois) lancé par John F. Kennedy à Berlin Ouest en 19603. Ou le “We are all Americans” (Nous sommes tous des Américains) de l’après 11-Septembre.
“Les médias veulent me coller une étiquette de héros, mais j’ai juste trouvé une image, un slogan”, se défend-il.
Le message de Roncin a depuis été décliné pour le meilleur et pour le pire: des #JeSuisPasCharlie et des #JeSuisKouachi, du nom des deux tueurs à Charlie Hebdo.
Ou encore la formule du polémiste français Dieudonné, inculpé mercredi pour apologie du terrorisme, qui a écrit sur sa page Facebook: “Je me sens Charlie Coulibaly”.
La formule associait ainsi à “Charlie” le nom d’un des trois jihadistes qui ont frappé à Paris, Amédy Coulibaly, assassin de quatre juifs lors d’une prise d’otages dans une épicerie casher le vendredi deux jours après la tuerie qui a visé Charlie Hebdo.