électoral du parti de la gauche radical grecque Syriza à Athènes, le 14 janvier 2015 (Photo : Aris Messinis) |
[16/01/2015 18:49:22] Athènes (AFP) “La Grèce fera-t-elle faillite si le Syriza gagne?”, “Quelle est la ligne du parti?” Comme ces invités à une réunion privée autour d’un candidat à la députation, beaucoup s’inquiètent des intentions du favori des prochaines législatives, dont le ton s’est pourtant bien adouci récemment.
Ils sont une quinzaine, réunis dans une maison de Kifissia, banlieue aisée du nord d’Athènes autour de Nikos Xydakis, élégant candidat quinquagénaire de Syriza, le parti grec de gauche radicale favori des législatives du 25 janvier. Ces meetings privés se sont développés récemment en Grèce pour promouvoir le débat au sein des partis.
Ces participants veulent mieux connaître Syriza, petite coalition de gauche il y a encore cinq ans, qui a connu une ascension fulgurante sur fond de crise en Grèce, tout en bénéficiant de l’explosion des partis du centre-gauche et de l’usure du gouvernement d’Antonis Samaras, qui a appliqué presque à la lettre la politique d’austérité dictée par les créanciers du pays.
“Quand j’ai quitté avec beaucoup d’autres en 2011 le Pasok (socialiste) alors au pouvoir, le Syriza était encore un petit parti”, se rappelle Panayiotis Kouroublis, député et porte-parole parlementaire du Syriza. Depuis les premiers temps, et les postures à gauche de la gauche, le discours du Syriza “est devenu plus pragmatique”, explique-t-il.
Pour autant, au sein de Syriza, alliance regroupant sociaux-démocrates, altermondialistes, ex-marxistes ou trotskystes, des propos de nature à semer la panique sur les marchés et chez les partenaires européens de la Grèce s’élevaient encore récemment.
Ainsi, l’économiste Kostas Lapavitsas, candidat dans le nord du pays, s’était fait connaître en 2012, au pic de la crise, pour avoir soutenu que “le maintien dans l’euro allait dissoudre la société”.
Mais, même lui tient désormais un discours plus modéré, à l’unisson avec le chef du Syriza, Alexis Tsipras, qui ne cesse de réaffirmer depuis le début de la campagne électorale que “la Grèce restera dans l’euro”, tout en “luttant contre l’austérité en Europe”.
écrans une interview de leur leader Alexis Tsipras avec le quotidien Aygi, le 14 janvier 2015 (Photo : Aris Messinis) |
La renégociation avec les créanciers UE et FMI du programme d’aide et l’effacement partiel de la dette publique (175% du Produit intérieur brut) sont en effet le point central du programme politique.
Antonis Samaras, Premier ministre et chef du parti de droite Nouvelle-Démocratie, principal rival du Syriza, met sans cesse en garde contre une renégociation qui pourrait conduire à l’arrêt des prêts internationaux au pays, à la faillite et à la sortie de l’euro.
Les marchés, Bourse et obligations, ont d’ailleurs très mal réagi depuis début décembre à la perspective d’une prochaine arrivée de Syriza au pouvoir. Le taux de l’obligation à 10 ans frôle 10% et la Bourse a chuté de près de 25%.
“Nous ne sommes pas en 2012, il y a une marge de négociation”, rétorque systématiquement Alexis Tsipras, estimant que M. Samaras veut “terroriser” les électeurs.
— Discuter de l’impasse de la rigueur —
De toute façon, “pendant ces quatre ans de crise la dette n’est pas devenue viable et les réformes n’ont pas progressé”, remarque Rena Dourou, élue au printemps à la tête de l’Attique, la région d’Athènes, la plus vaste du pays.
Dans ce laboratoire local de l’action de Syriza, Mme Dourou, qui souhaite améliorer “la cohésion sociale”, a commencé par consacrer 12 millions d’euros à lutter contre “la crise humanitaire”, en aidant les plus démunis. Elle a aussi recherché le contact avec les 66 maires de sa région, tous partis confondus.
Le programme de Syriza prévoit notamment “un New Deal européen” pour la croissance, “des mesures contre le chômage”, et aussi, rappelle Mme Dourou, “une nouvelle éthique dans la politique, la fin du clientélisme”.
“Nous savons que les cent premiers jours de notre gouvernement seront durs mais de plus en plus en Europe, on voit la nécessité de discuter sur l’impasse de la rigueur”, remarque M. Kouroublis.
“Notre victoire sera un tournant historique pour l’Europe”, assure Alexis Tsipras, qui espère voir l’Espagne et l’Irlande suivre la Grèce en cas de victoire de Syriza.
Les experts n’envisagent pas de révolution. “Syriza sera contraint de se conformer aux dires de l’Europe, il n’osera pas conduire le pays à la faillite”, note le professeur à l’Université d’économie d’Athènes Panayiotis Petrakis, tout en redoutant qu’une “nouvelle négociation avec les créanciers prenne du temps et affecte la croissance et les liquidités du pays”.
Outre l’économie, les Grecs ont aussi “besoin de retrouver leur dignité après l’humiliation subie de la part du gouvernement et de l’Europe”, assure de son côté Nikos Xydakis à son auditoire de Kifissia.