Attentat de Charlie Hebdo : La France fait-elle fausse route?

tunisie-wmc-charlie-hebdo-attentat-daech-france-2015.jpgOn est dérouté de voir la France ne pas s’atteler d’abord à réparer les défaillances du système de sécurité de son territoire, après l’attentat contre Charlie Hebdo. Est-ce par ce qu’elle n’a pas su identifier la cause du mal qu’elle se fixe pour priorité de commencer par “moderniser“ l’Islam? S’agit-il d’une croisade déguisée? Se trompant de guerre, la France pourrait s’éloigner de ses vrais amis. Dommage, la France s’égare!

L’hécatombe de Charlie Hebdo a laissé la France sous le choc. Chose compréhensible car on le serait à beaucoup moins. L’attentat meurtrier est disproportionné par rapport à l’acte en soi et cela fait planer un doute sur le mobile qu’on veut lui coller. On a parlé d’une vengeance. Si vengeance il devait y avoir, le bon sens voudrait qu’elle cible le journal danois qui est à l’origine de la polémique de la représentation du prophète. Charlie Hebdo n’a fait que recopier de manière bête et méchante ce qui a été fait -avec préméditation?- par les dessinateurs danois. Le détournement de la punition constitue la clé du mystère. Charlie a donc payé pour d’autres.

Les vengeurs et le journal danois ont agi comme s’ils étaient instrumentalisés dans le but d’embarquer la France dans une fausse guerre, une croisade –voilée!- contre l’Islam. Sans laisser le temps au pays de reprendre ses sens, le gouvernement Valls se précipite pour demander à l’Islam de France à se laïciser. On est en droit de se demander si cette riposte est en phase avec la situation? Et si à elle seule peut servir de stratégie de défense.

Manuel Valls : Discours musclé, soit. Mais, discours lucide?

On a vu le Premier ministre Valls faire l’unanimité autour de son plan d’action à venir. Il était très remonté et on le comprend car cette épreuve est pour lui un échec personnel. En substance, il envoie un message aux musulmans de France pour les amener à laïciser leur foi. Le ton était ferme et la consigne sans appel. Ce discours de circonstance sera-t-il un discours historique qui ferait date, encore un appel qui marquerait la conscience des français? On peut en douter. Français de fraîche date, Manuel Valls semble ignorer l’histoire qui lie les Arabes musulmans à la France et qui s’est tissée tout au long des longues convulsions du XXème siècle.

Pour faire court, on va dire que les Arabes musulmans ont payé le prix du sang à deux reprises lors des Deux Guerres mondiales pour que la France reste debout. Les Arabes musulmans sont de ce fait devenus partie prenante du peuple français et de l’histoire de France. Bourguiba et Senghor ont donné à la France l’empire qu’elle n’a pas pu se tailler par elle-même, à savoir la Francophonie. C’est cet espace vital qui lui sert de rempart face au raz de marée anglo-saxon qui a déferlé sur le monde.

Manuel Valls exige un alignement des Arabes aux valeurs de la République. Que n’a-t-il examiné les acquis de la révolution tunisienne pour se convaincre une fois pour toutes que les Arabes peuvent composer avec la modernité, la liberté de conscience et la laïcité. Le mal n’est pas dans l’Islam de France. Il est dans l’échec de la politique d’intégration de l’Etat français. Ce même Etat français qui n’a pas su se protéger de l’intrusion des courants maudits du terrorisme sous toutes ses formes.

La France a livré le judaïsme au sionisme

Nous sommes consternés de voir que la France reste vulnérable à l’agression des extrémismes y compris le sionisme. On a vu comment Benjamin Netanyahu impose sa présence à la marche de la paix, et ce malgré la volonté des autorités françaises. N’étant que Premier ministre, il défile au premier rang durant tout l’itinéraire. Il se fait plaquer physiquement, de manière ostensible, par son garde du corps accréditant la double idée que la France n’est pas un pays sûr pour les juifs et que ses forces de sécurité sont inefficaces.

Autre fait délibéré de lèse-majesté, de lèse-souveraineté, en tous cas de provocation préméditée, le garde du corps de Netanyahu qui bouscule le Premier ministre français à la synagogue pour le tenir à l’écart de Netanyahu

Et, pour couronner le tout, Netanyahu s’empare des dépouilles de quatre victimes juives, dont Yohav Hattab, citoyen tunisien, et s’en va derechef, sans attendre l’avis de qui que ce soit, les enterrer en Israël, accréditant l’idée d’“Israël Etat juif“. C’est un hold-up contre la mémoire juive. Outre que c’est une agression caractérisée contre laquelle la France n’a pas trouvé le courage de s’opposer. Livrer des morts aujourd’hui c’est voir toute la communauté juive sur la voie de la Aliya pour rejoindre Israël, demain. La France a capitulé devant le coup de bluff sioniste. Et cette faiblesse se retournera contre elle parce que l’audace sioniste ne fera que la surexposer au terrorisme et au cancer qui la ronge insidieusement de l’intérieur, à savoir l’extrême droite. Oui, cette extrême droite qui va jouer sur du velours parce qu’elle va se retrouver sur son terrain favori.

La France a-t-elle pris le temps de réfléchir à la façon dont il lui faut prendre en mains la situation et gérer l’après Charlie? Ce n’est pas si sûr, au vu de ses résolutions récentes.

Le leadership en Méditerranée ou le naufrage sur l’Atlantique?

Charlie, on compatit. Que faire pour éviter que cela se ne reproduise? La France doit d’abord regarder les choses en face et avec lucidité. L’Islam n’est pas pourvoyeur de terroristes. C’est la chapelle des néoconservateurs qui est le meilleur ferment des terroristes. Et c’est elle qui renforce le sionisme en accréditant l’idée qu’Israël doit être un Etat juif, ce que même les fondateurs de l’Etat sioniste n’ont pas réclamé. Et cette revendication sera la meilleure caution, le faire valoir inespéré, pour les terroristes jihadistes. Les néoconservateurs sont une officine à accréditer la thèse du choc des civilisations donc de la guerre des religions, et on les voit à l’œuvre c’est-à-dire en favorisant la résurgence des communautaristes.

De ce fait, ils deviennent la meilleure machine à fabriquer des illuminés autant dans les rangs du Likoud que du jihadisme. Elle le fait pour le compte du complexe militaro-industriel qui a fait de l’Amérique l’axe du business des armes en se servant de l’épouvantail des terroristes.

Nous avons dit épouvantail, mais en revanche, nous insistons sur sa capacité de nuisance. Il fait du mal depuis un certain temps au Moyen-Orient, offrant un alibi aux interventions militaires de coalitions pour le moins discutables. Depuis peu, il opère en Tunisie et au Maghreb, et depuis le 11 janvier il intègre la France à son territoire opérationnel.

Quelle approche pour l’endiguement du fléau?

En bonne logique, la France devrait se ranger aux côtés des pays arabes pour finaliser une coalition énergique et efficace à l’effet d’endiguer le fléau. Cette coalition serait légitime car elle viendrait de pays lésés par le terrorisme. Or, on voit la France s’engager à partir au mois de février se ranger sous la bannière américaine pour réfléchir à une politique de lutte contre le terrorisme. Celle-ci apparaîtrait de facto comme à caractère impérialiste et ne ferait qu’empirer la situation. L’Amérique semble bien s’accommoder du terrorisme car cela fait marcher son industrie de l’armement.

Que gagnerait la France à enrichir l’Amérique? N’est-il pas de son intérêt vital d’aider les pays arabes à résister? En se rangeant du côté des pays arabes, la France aurait les moyens d’asseoir un véritable leadership politique et économique dans la zone de la Méditerranée qui est son élément naturel. Ce serait un deal gagnant-gagnant et elle en sortirait gagnante. En Atlantique, elle pourrait s’exposer à un scénario catastrophe. Au mieux, elle serait associée à un plan d’action sous l’égide de l’OTAN. Elle y perdrait son trait d’exception. Souvenons-nous que le Général de Gaulle a quitté l’OTAN précisément parce que la France s’y trouvait sous tutelle à défendre des stratégies hostiles à ses intérêts et ceux de ses alliés objectifs. Sur l’Atlantique, la France risque le naufrage. Elle a encore du temps pour changer son fusil d’épaule.