Echec de la négociation sur le dialogue social : des règles du jeu à revoir?

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éunion des représentants des syndidats et des employeurs, le 9 octobre 2014 à Paris (Photo : Patrick Kovarik)

[23/01/2015 14:55:55] Paris (AFP) Séances de nuit, tractations de couloir, projet rédigé par le patronat, calendrier contraint: après l’échec jeudi de la négociation sur le dialogue social, syndicats et patronat se demandent s’il ne faut pas revoir radicalement les règles du jeu.

“La coupe déborde”, a lancé cette semaine Jean-Claude Mailly, le numéro un de FO, au sujet de l’organisation des grands rendez-vous interprofessionnels entre patronat (Medef, CGPME, UPA) et syndicats (CGT, CFDT, FO, CFTC, CFE-CGC).

Selon lui, le “summum du summum” a été atteint la semaine dernière avec une séquence record (deux jours et une nuit complète), prélude au constat d’échec dressé jeudi.

Résultat, le chef de file de FO a écrit à tous pour demander que le Medef n’ait plus la main sur l’écriture des projets et que les débats se déroulent en terrain “neutre”, au Conseil économique et social (Cese) par exemple, et non plus au Medef.

Récurrente, la critique a ressurgi avec vigueur dans les rangs syndicaux après l’échec final.

La CFE-CGC juge “urgent” de “proposer une nouvelle méthodologie”. La CFTC revendique la création d’un “Comité permanent du dialogue social”, en lieu neutre.

La CGT partage “l’essentiel du sens du courrier” de FO. En étant chez elle, l’organisation patronale “a la logistique, ses services juridiques”, dit Agnès Le Bot (CGT).

Pour Véronique Descacq (CFDT), le lieu n’est “pas le sujet”. C’est d’abord “la question des moyens”, les syndicats n’étant “pas à égalité en terme de ressources documentaires et moyens de communication”. Au sous-sol où les syndicats étudient les textes, les communications passent mal.

Plus globalement, Mme Descacq relève qu'”il y a un travail de débroussaillage” à faire en amont pour partir de “constats partagés”. Or, “ce travail n’est pas fait et ça a été clairement un défaut de cette négociation”.

Quant au fait que le texte soit porté part le patronat, elle estime qu'”il ne faut pas se raconter d’histoires”, “certaines organisations syndicales sont en capacité d’écrire un accord complet, mais pas toutes”.

– Manger de l’ail –

Depuis des années, les syndicats assurent aussi qu’ils ne veulent pas négocier de nuit, un engagement encore resté cette fois sans effet.

“Il faut faire attention à ce que ce ne soit pas une stratégie pour épuiser les négociateurs”, mais ça reste parfois nécessaire quand le dénouement approche, dit Mme Descacq.

M. Mailly se souvient d’un négociateur qui “mangeait de l’ail pour tenir le coup et indisposer ses interlocuteurs”. “Ca nous faisait bien rire, mais on n’a pas besoin de négocier la nuit.”

Fait rare, cette fois, les critiques ont débordé le champ syndical.

La CGPME est ainsi intervenue pour constater que “la méthode de négociation retenue aboutit finalement à un échec”, “souscrivant” à la demande de FO.

Même le ministre du Travail François Rebsamen a relevé que le fait de “toujours partir d’un texte patronal très éloigné des attentes des uns et des autres (…) rend plus difficile l’émergence d’un compromis”.

Du côté du Medef, on répond que la méthode est celle qui existe depuis toujours.

“Tout le monde s’excite, mais objectivement ce n’est pas la méthode qui est en cause”, même si ça ne veut pas dire “qu’il ne faut rien changer”.

“Nous étions à deux doigts d’un accord”, et “c’est un peu facile” de critiquer la méthode, alors que c’est “un échec collectif” car “des gens n’ont pas su dépasser leur posture”.

La négociation, compliquée par nature, a été rendue plus délicate encore par l’empressement du gouvernement.

Résultat, les partenaires sociaux “ont été contraints de négocier dans un délai extrêmement court et sous une pression politique effrayante”, explique Bernard Vivier, directeur de l’Institut supérieur du travail.

Guy Groux, chercheur au Cevipof, relève qu’avec la méthode en vigueur, il y a tout de même eu “quatre grands accords entre 2008 et 2014”, pas si mal en terme de “productivité”.

Ces critiques sur la méthode ne servent-elles pas “à masquer des incapacités à faire des propositions ou à s’accorder sur des points fondamentaux?”, se demande-t-il.

Si le patronat tient la plume, c’est à cause de “la division des syndicats”, incapables de rédiger un texte commun. En Allemagne ou en Italie des accords préalables “sont beaucoup plus faciles”. Avant d’y parvenir, “on peut aller brûler beaucoup de cierges à Notre-Dame”.