La préparation d’un plan quinquennal de développement, l’éclaircissement de la visibilité pour les investisseurs, la reprise de la croissance économique, la réforme du système de subvention et la maîtrise du déficit budgétaire, sont autant de dossiers urgents que le prochain gouvernement aura à traiter pendant la première période de son activité, selon dles experts économiques.
Parmi eux, Hassine Dimassi, universitaire et ancien ministre des Finances (gouvernement de Hamadi Jebali), a déclaré à l’agence TAP qu'”il importe au prochain gouvernement de se pencher sur cinq dossiers prioritaires dont en premier lieu la reprise du rythme de la croissance économique qui devrait s’établir entre 4 et 5%». Pour lui, «la réalisation de ces taux et leur préservation pendant les années 2015 et 2016 sera un acquis en lui-même au regard de la morosité de la situation économique dans le pays».
Pour parvenir à relever cet enjeu, l’expert économique estime qu’il faudra focaliser sur le redressement de deux secteurs fondamentaux à savoir le phosphate et ses dérivés ainsi que le tourisme.
Dimassi a mis en garde contre “la paralysie du secteur du phosphate dans le bassin minier de Gafsa ainsi que le marasme du secteur du tourisme quant à la régression du nombre de touristes et par conséquent des recettes du secteur”.
Le second dossier qui demande une intervention urgente du prochain gouvernement, selon lui, porte sur les entreprises économiques publiques «en difficulté» et qui ont besoin d’une réforme urgente. Il appelle le prochain gouvernement à établir des contrats-programmes avec ces entreprises axés sur des fondements objectifs et palpables, en impliquant les chefs d’entreprise qui doivent s’engager à exécuter ces contrats qui concernent la productivité, l’exportation et autres, afin d’alléger la pression sur le budget de l’Etat.
Caisses sociales et banques publiques
La réforme des Caisses de la sécurité sociale représente, selon l’expert, le troisième dossier urgent à repenser au vu des difficultés auxquelles sont confrontées ces entreprises qui «augurent d’une explosion», surtout avec l’approfondissement de leur déficit. En témoigne l’état financier de la Caisse nationale de la retraite et de la prévoyance sociale (CNRPS), dont le déficit a frôlé les 280 MDT en 2014 et qui va s’aggraver de plus en plus en 2015, pour atteindre 400 millions de dinars.
Il souligne également que les gouvernements qui se sont succédé depuis la révolution (2011/2014) ont axé leur politique sur l’endettement qui n’a pas été utilisé pour le développement mais a plutôt été destiné vers la consommation. Il demande donc de changer cette approche qui nécessite cependant audace et courage.
Dimassi a appelé le nouveau gouvernement à compter plus que jamais sur ses ressources propres et à rationaliser les dépenses, expliquant son point de vue par l’étroitesse des perspectives de l’endettement à cause de l’absence de garanties, outre l’éventualité d’une hausse des taux d’intérêt par les bailleurs de fonds.
Sur un autre plan, Dimassi a appelé à la nécessité d’entamer la réforme des banques publiques et d’annuler leurs dettes qui ont atteint des niveaux de risques élevés, menaçant ces institutions de crédits de banqueroute. Le prochain gouvernement est appelé, dans ce contexte, à prendre des dispositions urgentes afin de recapitaliser ces banques, l’objectif étant d’éviter tout changement de leur vocation de bailleur de fonds et catalyseur du développement à une lourde charge pour le budget de l’Etat.
Pour Dimassi, la 5ème priorité concerne l’aggravation du déficit du budget de l’Etat, «lequel va s’aggraver d’autant plus que plusieurs ressources sur lesquelles est calculé le budget 2015 sont incertaines».
Un plan quinquennal de développement…
Pour sa part, l’expert économique et universitaire Fethi Nouri pense que «les priorités du prochain gouvernement de Habib Essid consisteront notamment à entamer l’élaboration d’un plan quinquennal de développement (le premier après la Révolution du 17 décembre 2010-14 janvier 2011) afin de garantir une meilleure visibilité aux investisseurs et à tous les intervenants dans le domaine économique.
Dans une déclaration à TAP, il a appelé à appliquer des réformes immédiates qui concerneront spécialement le système de subvention, la réforme fiscale et la révision du code de l’investissement.
S’agissant du dossier de la réforme du système de subvention, il préconise l’application de cette réforme au cours du premier trimestre 2015. Il s’agit de lever progressivement la subvention des produits énergétiques et d’adopter la méthode de l’identifiant social unique qui permettra à l’Etat d’orienter la subvention vers les catégories qui en ont le plus besoin.
Evoquant la réforme fiscale, l’expert a mis l’accent sur l’importance d’appliquer les dispositions recommandées et de réviser le code de l’investissement, outre un nombre d’articles de la nouvelle loi de finances, tel que l’article 18 qui autorise les entreprises industrielles totalement exportatrices à vendre leurs produits sur le marché local à hauteur de 50% de leurs chiffres d’affaires réalisé en 2014.
Selon Nouri, le prochain gouvernement est appelé à garantir les fondements d’un climat politique et social à même de permettre l’application de réformes économiques qui garantiront la transition économique escomptée, a souligné l’expert, rappelant que la Tunisie a enregistré des pas importants sur la voie de la transition politique.
La concrétisation de ces réformes nécessite un courage politique, estime Nouri. Et que les premières années qui suivent une Révolution constituent des années de sacrifice pour concrétiser un nouveau schéma de développement.
Pour garantir la réussite de cette Révolution, précise encore l’expert, “le citoyen tunisien doit être conscient que l’ancien système économique basé sur la subvention et l’esprit d’assistance, disparaîtra comme l’ancien système politique”.
Les caractéristiques du prochain gouvernement
Hassine Dimassi a présenté un ensemble de spécificités qui devraient caractériser la prochaine équipe gouvernementale, laquelle équipe doit avant tout être au fait de la conjoncture économique et sociale du pays, selon ses dires. Parmi les caractéristiques des personnalités qui formeront le prochain gouvernement, considéré par l’expert comme un “gouvernement de sauvetage”, figurent la capacité à convaincre le peuple des décisions qu’il faut prendre pour la réforme économique sans hésitation dans l’application de ces dernières.
De ce point de vue, Dimassi estime que «le partage des portefeuilles ministériels sur des bases politiques constitue le plus grand danger qui peut menacer le prochain gouvernement». Il a notamment mis en garde le gouvernement de Mehdi Jomaa ou de Habib Essid contre l’éventualité d’obéir aux revendications de l’UGTT (Union générale tunisienne du travail) relatives à l’augmentation des salaires dans le service public estimant qu’elles (revendications) constitueront «un coup fatal pour l’économie nationale».
A rappeler que les concertations entre le chef du gouvernement désigné Habib Essid et les partis politiques, notamment ceux représentés au sein de l’Assemblée des représentants du peuple (ARP), vont bon train..