Les manœuvres qu’Ennahdha semble mener, ces jours-ci, avec succès pour intégrer le gouvernement, montrent de manière éloquente l’opportunisme des nahdhaouis et leur capacité à s’adapter à toutes les situations et à toutes les personnes. Mieux, ils sont mêmes capables d’endosser la personnalité de tous les leaders antérieurs du pays et de récupérer, pour leur propre compte, leurs réussites, réformes et crédibilité. C’est le cas de Rached Ghannouchi qui, après avoir tiré à boulets rouges sur Bourguiba, ne jure, aujourd’hui, que par les acquis accomplis par ce dernier et par «l’unité nationale» laquelle était la principale préoccupation du Combattant suprême.
Un tel opportunisme m’a remis à l’esprit «la fablette» du caméléon et du lion. Selon cette «fablette», un caméléon a défié un lion en ces termes: «Pauvre créature, tu souffres de tous les maux, mais surtout de ne plus être le roi des animaux». Le lion piqué à vif s’enquiert: «Qui ose me parler ainsi? Ne me crains-tu pas? Je peux te croquer à merci». Et le caméléon de répondre: «Bel ami, il faudrait d’abord que tu puisses me voir. Et cela ne dépend que de mon bon vouloir. Dorénavant, ta puissance légendaire est inutile. Et tes menaces, à vrai dire, me semblent bien futiles».
Les nahdhaouis avancent cachés
Les enseignements à tirer de cette fablette sont au nombre de deux. Premièrement, les présidents tunisiens, après le soulèvement du 14 janvier 2011, ne peuvent plus régner seuls. C’est que ce Béji Caïd Essebsi ne cesse de ressasser non pas parce qu’il en est convaincu mais tout simplement par ce qu’il ne peut plus se le permettre.
Il leur faudrait, en plus, partager le pouvoir avec des gens qu’ils ne connaissent pas et composer, à cette fin, avec des forces invisibles (ici les nahdhaouis).
Deuxièmement, l’invisibilité du caméléon évoquée dans cette fablette et qu’illustre l’expression «il faudrait d’abord que tu puisses me voir» me semble convenir parfaitement aux stratégies et tactiques des nahdhaouis qui, tout le long de leur histoire, ont évolué cachés ou dans la clandestinité. Il semble que ces zombies d’autres temps aient développé, au fil de longues années, une grande expertise dans la dissimulation multiforme.
D’ailleurs, ce n’est pas un hasard si le parcours des nahdhaouis et dérivés (éléments d’Ansar Chariaa, Hizb Ettahir…) a été constamment lié à des actes de violence verbale ou physique accomplis dans l’opacité et la non transparence la plus totale: attentats, actes terroristes, disparition de fonds budgétaires sans aucune explication, caisses noires, recrudescence de la corruption, invectives sur le net…
Moralité: au regard de leur rendement dans l’opposition clandestine ou dans l’exercice au pouvoir, le bilan des islamistes est, le moins qu’on puisse dire, catastrophique.
Les nahdhaouis doivent rendre des comptes
Lorsqu’ils étaient dans l’opposition contre Bourguiba et Ben Ali, ils luttaient pour une cause qui n’était pas nationale. Ils œuvraient à préparer le terrain, voire le territoire, pour un projet de société se réclamant de la mouvance islamique internationale avec comme composantes la restauration du Califat et l’application de la Chariaâ (loi islamique).
Une fois au pouvoir, à la faveur de la révolte du 14 janvier 2011 à laquelle les islamistes n’ont, pour mémoire, nullement contribué (aucun martyr nahdhaoui n’a été signalé), ils se sont employés à déstructurer la République et ses acquis et à appliquer leur projet d’islamisation d’un pays musulman pendant plus de 14 siècles par la violence en favorisant l’implantation dans le pays d’essaims terroristes djihadistes islamistes et de milices violentes (Ligues s’autoproclamant protectrices de la révolution). Le coût budgétaire de ces errances pour la communauté nationale est énorme. Il s’agit de dépenses que le pays aurait pu faire l’économie et les orienter vers le développement n’eût été l’incompétence et le non-patriotisme des gouvernants islamistes.
Au plan économique, ils ont également usé et abusé. Ils ont désorganisé l’économie du pays au point de la mener, en trois ans de pouvoir absolu et sanguinaire, au bord de la banqueroute avec comme corollaire un endettement excessif pouvant compromettre l’avenir des générations futures et des déficits multiformes. Le déficit commercial a atteint, pour la première fois de l’histoire du pays, les 14 milliards de dinars en 2014, soit près de la moitié du budget général de l’Etat. Du jamais vu!
Pis, les islamistes n’ont réalisé aucun des objectifs de la révolution, en l’occurrence la justice transitionnelle, le déséquilibre régional, l’égalité des chances, le chômage…
Béotie de la nouvelle équipe au pouvoir
Face à ces erreurs monumentales qui peuvent être érigées en actes majeurs de trahison de l’Etat et du peuple tunisiens, les destouriens et RCDistes qui ont accédé une nouvelle fois au pouvoir, à la faveur des élections générales de 2014, et surtout, à la faveur de la révolte du 14 janvier 2011 à laquelle ils n’ont nullement participé, trouvent le moyen de parler, au nom d’un pragmatisme désuet et d’une éventuelle stabilité incertaine, d’impératif de coopérer avec les nahdhaouis qui ont mené le pays au chaos.
Il faut vraiment être béotien pour ne pas comprendre que les nahdhaouis, toujours invisibles, demeurent attachés à des desseins apatrides, c’est-à-dire à des objectifs islamistes djihadistes –daechistes- terroristes en gestation. A preuve, des slogans brandis par des islamistes sur l’avenue Habib Bourguiba, du genre «le terrorisme est l’arme des Arabes», en disent long sur leurs véritables intentions.
L’activiste politique, Abdelaziz Mzoughi, a tout à fait raison, dans une déclaration à Nessma TV, que le parti islamiste Ennahdha se démène pour entrer dans le gouvernement, pour éviter de rendre des comptes des erreurs catastrophiques» qu’il a commis lors des deux gouvernements de coalition Troïka 1 et 2, qu’il a conduits entre décembre 2012 et janvier 2014. Pour lui, il est inconcevable qu’Ennahdha participe au prochain gouvernement avant d’ajouter: «Il faut d’abord que toutes les parties impliquées dans les assassinats politiques et les tentatives de noyautage de l’appareil de sécurité soient jugées».