Aberdeen (Photo : Andy Buchanan) |
[26/01/2015 09:22:31] Aberdeen (Royaume-Uni) (AFP) La récente chute vertigineuse des prix de l’or noir pourrait mettre en danger l’industrie pétrolière au Royaume-Uni, et ceux qui en dépendent, si rien n’est fait pour alléger les coûts d’extraction des gisements vieillissants de la mer du Nord.
Les producteurs de pétrole en mer du Nord sont touchés de plein fouet par la baisse spectaculaire des cours, qui ont perdu près de 60% depuis la mi-juin, à moins de 50 dollars le baril aujourd’hui.
Le géant BP vient d’annoncer 300 suppressions d’emplois dans la région, principalement dans la ville écossaise d’Aberdeen, la “capitale” pétrolière britannique. D’autres, comme Shell et Chevron, avaient déjà prévenu de coupes de même ampleur au troisième trimestre 2014.
De nouvelles annonces pourraient émerger avec la publication des résultats financiers des majors pétrolières dans quelques semaines, aussi les sous-traitants britanniques marchent-ils sur des ?ufs car ils dépendent des projets des gros producteurs. La société de services pétroliers Wood Group va ainsi réduire de 10% le salaire de ses employés.
L’industrie est pourtant coutumière de la fluctuation des cours et la dernière chute des prix n’est pas si lointaine: fin 2008 les cours avaient atteint 38,37 dollars le baril, plombés par la crise économique mondiale.
“Nous avons déjà vu les prix chuter par le passé puis se reprendre, et nous sommes confiants qu’ils vont rebondir. Mais nous sommes aussi conscients qu’il faudra souffrir avant que cela n’arrive”, souligne Neil Gordon, directeur général de Subsea UK, un spécialiste de l’industrie sous-marine active dans le forage.
La récente chute des cours a cependant exacerbé en mer du Nord le problème de l’augmentation des coûts d’exploitation de gisements marins très profonds et, avant même le plongeon des prix, les producteurs s’escrimaient à réduire leurs dépenses.
Confrontées à des marges réduites, les majors semblent se détourner des champs pétroliers et gaziers en Écosse dont la production s’est effondrée de 50% ces dix dernières années.
Le champ “Forties” appartenant à BP, qui a fêté ses 50 ans cette année, produisait près de 500.000 barils par jour (bj) à son pic, rappelle Colin Welsh, directeur général de la banque d’investissement Simmon & Company. Aujourd’hui la production en mer du Nord britannique, toutes compagnies confondues, est estimée aux alentours de 800.000 bj.
– “Vache à lait” –
Le gouvernement du Royaume-Uni “va devoir rendre la mer du Nord beaucoup plus attractive, et cela va devoir passer par la réduction des taxes”, prévient M. Welsh.
L’industrie pétrolière a trop longtemps été “la vache à lait” du gouvernement, disent plusieurs représentants qui soulignent que les entreprises pétrolières sont imposées entre 60% et 80%.
A ce titre, la Norvège est souvent citée en exemple. “Si vous regardez (là-bas) ils ont des réductions d’impôts à l’exploration de nouveaux gisements, ce qui encourage le déploiement de l’argent (économisé) pour en chercher de nouveaux. Au Royaume-Uni, nous n’avons pas cela”, souligne Graham Stevens, directeur financier de Plexus, une entreprise spécialisée dans les têtes de puits.
Ces dernières semaines, les politiques se sont empressés d’afficher leur soutien à la mer du Nord, particulièrement à Aberdeen où plus de la moitié des emplois dépendent du pétrole.
A quelques mois des élections législatives, l’enjeu est de taille.
“C’est une industrie vitale, le Parti travailliste (…) va faire tout son possible pour sauvegarder les emplois et les investissements”, a clamé lors d’une visite express Ed Balls, un responsable du mouvement d’opposition de centre-gauche qui pourrait devenir ministre des Finances en cas de victoire.
Le gouvernement conservateur de David Cameron a promis d’inscrire des mesures de soutien dans son budget pour l’exercice 2015-2016 qui sera présenté en mars.
ège de BP (British Petroleum) à Aberdeen, le 21 janvier 2015 en Ecosse (Photo : Andy Buchanan) |
A Aberdeen, l’inquiétude commence néanmoins à se faire sentir. Si les prix restent bas trop longtemps, il ne restera plus grand chose de l’industrie, s’inquiète Anne Begg, député d’Aberdeen sud. “Nous devons nous assurer que l’industrie du pétrole reste en assez bonne santé pour être capable de rebondir lorsque les prix remontent”, ajoute-t-elle.
Pour Jake Molloy, responsable au syndicat RMT qui représente les travailleurs offshore, “c’est une situation sérieuse à laquelle le gouvernement doit trouver une solution, pas seulement pour Aberdeen mais pour toute l’économie britannique”.
En 2013-14, les revenus des taxes ont chuté d’un quart à 4,7 milliards de dollars à cause notamment de la baisse de la production. Un baril à 50 dollars ne va pas aider.