La chaîne privée Al Hiwar Ettounsi est revenue, dans la soirée du dimanche 25 janvier 2015, lors de son émission «A celui qui ose seulement», sur le carnage qui a eu lieu dans les locaux du journal français Charlie Hebdo (12 morts, dont deux policiers, et une vingtaine de blessés). Quatre caricaturistes de renom figurent parmi les victimes.
L’animateur de l’émission, Samir EL Wafi, a tenu à ce que cette affaire soit vue et débattue par des Maghrébins, et a invité, à cette fin, une journaliste marocaine exerçant à Charlie Hebdo, le Tunisien Mezri Haddad (écrivain et ancien ambassadeur), et la Tunisienne Sihem Badi (ex-ministre de la Femme du temps de la Troïka).
Le débat a été une opportunité pour évoquer les dérives commises au nom de la liberté d’expression.
Les trois invités ont été unanimes pour condamner l’assassinat, mais ils ont été divergents quant aux motifs qui ont mené à cet acte de violence d’une extrême atrocité, particulièrement en ce qui concerne la publication par le journal de caricatures offensantes pour le prophète Mohamed.
La journaliste a défendu de toutes ses forces la liberté d’expression et le droit de son journal de publier ses caricatures, relevant qu’elle a bien étudié le Coran et la genèse du Prophète, et qu’à aucun moment elle n’avait trouvé de verset coranique qui interdise la reproduction de photos du Prophète ou de sa personnalité.
Mme Badi a été catégorique. Elle a condamné catégoriquement la publication de ces caricatures, tandis que Mezri Haddad a préféré observer une position neutre, c’est-à-dire ni pour ni contre.
Ma liberté s’arrête où commence la tienne
Par delà les points de vue des uns et des autres, ce débat a eu l’avantage d’être didactique et informatif. Il a rappelé aux spectateurs ce simple mécanisme de base de la notion de liberté, celui-là même qui dit que «ma liberté s’arrête là où commence la tienne». Il a eu également le mérite de remettre à l’esprit les réactions de certains artistes et personnalités religieuses au massacre de Charlie hebdo.
Le courage d’un pape et d’un humoriste
Parmi ces réactions figuraient en bonne place celle de l’humoriste Dieudonné qui avait écrit sur sa page facebook, au lendemain de la tuerie de Charlie Hebdo et de la grande surface Casher: «Sachez que ce soir, en ce qui me concerne, je me sens Charlie Coulibaly», message qui détourne le slogan «Je suis Charlie» des manifestants, saluant la mémoire des victimes de l’attaque contre Charlie Hebdo, en l’associant au nom du jihadiste Amedy Coulibaly, auteur de la prise d’otages au cours de laquelle quatre juifs ont été tués dans un supermarché Casher (Vincennes à Paris). Il agissait en coordination avec les frères Chérif et Saïd Kouachi, responsables de l’attaque contre l’hebdomadaire satirique Charlie Hebdo.
Cette réaction lui a valu d’être placé en garde à vue sur ordre du ministre de l’Intérieur, Bernard Cazeneuve, au motif qu’il aurait fait l’apologie du terrorisme dans un tweet. Paradoxalement, Dieudonné est poursuivi pour un délit relevant de la liberté d’expression dont se prévalait le journal Charlie Mebdo.
Autre réaction et non des moindres, celle du pape François. Commentant la publication des caricatures et son corollaire le carnage, le pape avait déclaré: «on ne peut provoquer, on ne peut insulter la foi des autres, on ne peut la tourner en dérision». Selon lui, la liberté d’expression est un droit fondamental mais qu’on doit «exercer sans offenser».
On peut rire de tout sans offenser qui que ce soit
Moralité: le pape explique donc qu’on peut rire de tout, sans pour autant se moquer des convictions des autres et les provoquer avec ce type de caricatures.
C’est exactement ce qu’avaient fait avec brio des comiques satiriques célèbres comme Charlie Chaplin «Charlot», le duo américain Laurel et Hardy, les français Fernandel et Bourvil… Ces artistes hors pair ont fait rire le monde entier sans jamais les provoquer ni les offenser.
Cela pour dire que la publication de représentations du prophète Mohamed caricaturé n’est nullement indispensable et n’enrichit en rien la culture des gens lesquels ont le droit de croire en qui ils veulent. C’est, le moins qu’on puisse dire, un acte irresponsable aux conséquences toujours désastreuses pour toute l’humanité.
Pour Voltaire, figure emblématique de la philosophie des Lumières, la croyance en un Dieu est utile sur le plan moral et social. Il est l’auteur du célèbre alexandrin: «Si Dieu n’existait pas, il faudrait l’inventer».
A bon entendeur.