Face à la pauvreté, l’Amérique latine doit épargner et investir

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érique latine et les Caraïbes, à Santiago, le 26 janvier 2015 (Photo : Vladimir Rodas)

[28/01/2015 07:18:01] Santiago du Chili (AFP) L’âge d’or des matières premières touche à sa fin, ralentissant l’économie, et l’Amérique latine doit s’appuyer sur l’épargne et l’investissement pour combler le fossé des inégalités, estime Alicia Barcena, secrétaire exécutive de la Cepal, dans un entretien à l’AFP.

“Ce que nous disons à la Cepal (Commission économique des Nations unies pour l’Amérique latine et les Caraïbes, ndlr), c’est que nous devons renforcer l’épargne et l’investissement”, souligne Alicia Barcena, après la publication par cet organisme, dont le siège est à Santiago, de son rapport sur la pauvreté et les inégalités en 2014.

“Le mot que nous devons marteler en Amérique latine c’est +épargne+, car nous sommes maintenant plus dans la consommation et moins dans l’épargne”, relève cette diplomate mexicaine chevronnée, en poste depuis 2008.

L’Amérique latine, où 167 millions de personnes vivent dans la pauvreté, a réussi à réduire de 10% l’écart entre riches et pauvres dans au moins 15 pays entre 2002 et 2013, un chiffre encourageant pour la Cepal dans la lutte contre les inégalités.

Mais alors que l’économie ralentit, la pauvreté a touché 28% de la population latinoaméricaine en 2014, un niveau qui “n’a pas évolué depuis 2012”, s’est inquiétée la Cepal dans son dernier rapport publié lundi.

La région devrait encore connaître une croissance modeste cette année : 2,5% selon la Cepal, 1,3% pour le Fonds monétaire international (FMI).

Et avec la diminution des importations de matières premières, notamment de l’Europe et des économies émergentes, dont la Chine, Mme Barcena en appelle à l’austérité.

“Nous devons générer une société qui a davantage de capacité d’épargne et d’austérité. Au fond, une société qui soit moins dépendante de la consommation, parce que la consommation en Amérique latine est liée à l’endettement”, relève-t-elle.

Les conditions pour l’investissement sont réunies dans la région, profitant notamment de ses richesses naturelles, sa connectivité et son éloignement géographique des conflits comme au Moyen-Orient, selon Alicia Barcena, qui y voit une autre opportunité de réduire la pauvreté.

– ‘Une question de riches’ –

“Je pense que l’Amérique latine a la capacité de penser différemment et prendre conscience de la priorité de lutter contre les inégalités, soutenir la croissance économique avec de nouveaux secteurs et s’éloigner des matières premières”, ajoute-t-elle.

Elle insiste également sur un investissement accru dans les infrastructures pour “vraiment être en mesure de combler les lacunes dans des secteurs comme les télécommunications, les routes, l’eau”.

Depuis dix ans, les gouvernements de la région ont compris que pour combattre l’inégalité, il est nécessaire de mettre en place des politiques d?État comme la multiplication de programmes sociaux.

Le Venezuela est ainsi devenu l’un des pays avec la plus importante réduction, sur le long terme, des inégalités en raison d’investissements sociaux importants réalisés avec les revenus du pétrole.

Cependant, le pays n’a pas diversifié sa production et l’indice de pauvreté s’élevait à 32,1% en 2013, marquant un rebond par rapport à 2012 (25,4%).

“Le problème est que le Venezuela n’a pas consacré ne serait-ce qu’une partie de ses revenus à transformer sa structure de production”, regrette Mme Barcena.

Outre le Venezuela, les pays d’Amérique latine qui ont le plus réduit les inégalités sont la Bolivie, le Brésil, le Chili, l?Équateur et le Pérou.

Mais la concentration de la richesse est devenue une autre source d’inégalités en Amérique latine, où 61 millions de personnes vivent encore dans l’extrême pauvreté, sans possibilité d’accéder à des revenus plus élevés ou à une éducation de qualité.

“L’inégalité est en augmentation pour des raisons différentes. En Amérique latine, à l’inégalité que nous avions déjà, s’en est ajoutée une autre, la concentration du capital”, remarque la secrétaire exécutive.

“L’inégalité n’est pas une question de pauvres, mais une question de riches”, toujours plus nombreux. “Ce que nous devons comprendre, c’est ce qui se passe au plus haut niveau de concentration des revenus ou des rentes du capital”, conclut-elle.