érence de presse à Berlin le 30 janvier 2015 (Photo : Jörg Carstensen) |
[30/01/2015 17:02:45] Berlin (AFP) Le gouvernement allemand suspend l’application de son salaire minimum aux routiers, essentiellement d’Europe de l’Est, en transit dans le pays, à peine un mois après l’entrée en vigueur de ce salaire plancher qui cristallise de plus en plus de mécontentements.
“Par considération pour (ses) voisins”, le gouvernement a décidé de suspendre la disposition qui concerne le transit, et ce jusqu’à “la clarification de la question juridique européenne”, a déclaré à Berlin vendredi la ministre du Travail Andrea Nahles, à l’issue d’un entretien avec son homologue polonais Wladyslaw Kosiniak-Kamysz. Celui-ci a salué “une bonne décision”.
Interpellée par Varsovie, la Commission européenne a lancé le 21 janvier une “procédure préliminaire” pour vérifier la conformité au droit européen du salaire minimum allemand pour tous.
Convaincue de ne pas enfreindre les règles de l’Union européenne, Mme Nahles a dit s’attendre à une décision de Bruxelles avant l’été. Son homologue polonais a souhaité que l’UE donne son avis “aussi vite que possible”.
A Bruxelles, le porte-parole de la commissaire à l’Emploi et aux Affaires sociales Marianne Thyssen a loué la bonne volonté allemande, et assuré que la Commission était “en contact étroit” avec Berlin. De manière générale la loi allemande sur le salaire minimum “est totalement conforme aux engagements en matière de politique sociale de la Commission”, a-t-il précisé.
Mais, 22è pays européen à s’être doté d’une rémunération plancher, l’Allemagne est le seul Etat de l’UE à ne pas en exempter les routiers en transit.
Le conducteur d’un camion polonais traversant l’Allemagne pour se rendre en Espagne devrait donc en principe depuis le 1er janvier être payé dès qu’il passe la frontière allemande, 8,50 euros bruts de l’heure, avant de retomber au niveau de son pays d’origine dès qu’il ressort du territoire. Son employeur devait remplir un certain nombre de papiers en allemand et risquait une amende en cas d’infraction.
La grogne contre cette règle était rapidement montée en Pologne, principal pays concerné, mais aussi en République tchèque ou en Hongrie. Leur salaire minimum représente environ un quart du salaire allemand.
– Dumping ou discrimination? –
Berlin invoque le souci de lutter contre le dumping des entreprises de transport de l’Est de l’Europe, également objet de la colère des routiers français qui dénoncent la “concurrence déloyale” des transporteurs étrangers.
Les transporteurs polonais jugeaient quant à eux “discriminatoires et disproportionnées” les mesures allemandes, et le gouvernement est rapidement monté au créneau. Le secteur du transport est vital pour l’économie polonaise, avec 200.000 conducteurs qui travaillent à l’international, et il pâtit déjà des sanctions russes sur certains produits européens.
La suspension annoncée vendredi ne vaudra que pour les trajets de transit, pas pour les livraisons effectuées par des routiers polonais ou tchèques à partir de ou vers l’Allemagne, ni pour les trajets de routiers étrangers à l’intérieur de l’Allemagne, pratique appelée cabotage.
érence de presse à Berlin le 30 janvier 2015 (Photo : Jörg Carstensen) |
Environ un cinquième du trafic routier de marchandises en Allemagne est du transit, et un camion sur huit qui circule sur les autoroutes du pays est immatriculé en Pologne.
“J’espère que notre accord d’aujourd’hui sera vu comme un signe de bon voisinage”, a déclaré Mme Nahles. L’association des transporteurs internationaux en Pologne a dit espérer “des solutions définitives raisonnables” à terme.
Défendant bec et ongles sa loi, une des premières grandes réalisations du gouvernement Merkel III, la sociale-démocrate Mme Nahles doit faire face à de plus en plus de contestations depuis que ce SMIC allemand est devenu réalité.
Relayant les critiques des employeurs, une partie des députés conservateurs réclame un allègement de la bureaucratie et les contrôles.
Les conservateurs d’Angela Merkel s’étaient de toute façon résolus de mauvaise grâce à ce salaire plancher, cheval de bataille des sociaux-démocrates, dont ils craignent les effets sur l’emploi – pour le moment non avérés.
Pour l’heure, Mme Nahles tient tête. Mais le vice-chancelier Sigmar Gabriel, aussi social-démocrate, n’a pas exclu des modifications. “Nous faisons d’abord une expérience sur quelques mois, et ensuite nous aviserons s’il est nécessaire de changer quelque chose”, a-t-il déclaré jeudi.