à Athènes le 29 janvier 2015 (Photo : Aris Messinis) |
[31/01/2015 14:45:26] Athènes (AFP) Juillet? Mars? Février? Les économistes sont lancés dans un compte à rebours au terme duquel, selon eux, la Grèce pourrait se trouver en état d’asphyxie financière, avec des échéances de remboursement dangereusement proches et des banques qui luttent pour contenir la fuite des capitaux.
“D’après ce que j’entends, Athènes n’a même pas de quoi tenir pendant le mois de février”, s’alarme Alexandre Delaigue, professeur d’économie à l’école militaire de Saint-Cyr.
Le gouvernement d’Alexis Tsipras, nouveau Premier ministre issu du parti de gauche radicale Syriza, a commencé depuis mercredi à mettre scrupuleusement en ?uvre ses promesses de campagne, quitte à passer dit-il pour “un original” parmi les politiciens.
Vendredi, son ministre des Finances Yanis Varoufakis a mis le patron de la zone euro Jeroen Dijsselbloem en colère — M. Dijsselbloem lui a à peine serré la main à l’issue de leur conférence de presse — en réitérant devant lui qu’Athènes veut couper les ponts avec la troïka, cette délégation “branlante” selon lui de techniciens financiers de l’Union européenne, de la BCE et du FMI, chargée d’évaluer les réformes comme la discipline budgétaire, et de valider ou non en conséquence les versements d’aide internationale.
Mais en rompant avec ceux qui manient le bâton, M. Varoufakis est prêt aussi à renoncer à la carotte : un chèque de 7 milliards d’euros prévu fin février, dans le cadre d’un plan d’aide d’un montant total de 240 milliards d’euros accordé en 2010.
à athènes le 30 janvier 2015 (Photo : Aris Messinis) |
Les marchés ont réagi à ces sorties en faisant grimper le taux de la dette grecque à 10 ans à plus de 11% (contre 0,5% pour le taux équivalent en France). A un tel tarif, impossible pour Athènes de revenir emprunter sur un marché dont le pays est banni depuis 2010, à part une incursion-test réussie en avril 2014.
– Date ‘arbitraire’ –
Les analystes se sont eux rués sur leurs calendriers pour compter les jours, et le gouvernement lui-même reconnaît que le temps est compté.
“On dit souvent qu’il y a une date limite le 28 février”, “mais nous pensons que c’est une date arbitraire, fruit d’un accord négocié par le précédent gouvernement”, a dit le ministre des Finances Yanis Varoufakis au journal Agora.
“Le vrai enjeu sera en juin, juillet, quand les obligations que détient la BCE arrivent à échéance”, a-t-il ajouté.
Rien qu’en 2015, la Grèce doit rendre 9 milliards d’euros au Fonds monétaire international, dont 2,3 milliards d’euros en février-mars, selon Thibault Mercier, économiste de BNP Paribas. Viennent ensuite les 6,7 milliards d’obligations détenues par la BCE en juillet-août, qu’évoque M. Varoufakis. Et enfin 15 milliards d’euros de bons du Trésor (obligations à trois et six mois) détenues par les banques grecques.
Par ailleurs le nouveau gouvernement d’Alexis Tsipras a décidé de rouvrir les vannes budgétaires. Au total, le coût du programme de campagne de son parti de gauche radicale Syriza est estimé par M. Mercier à 13,5 milliards d’euros, en comptant des réembauches de fonctionnaires, des aides prévues aux ménages les plus pauvres, des mesures sur les prix des transports et les salaires, la suppression de taxes etc.
Mais avant même d’engager ces grands chantiers, les caisses du gouvernement sont vides. Selon le journal Kathimerini, il y reste moins de deux milliards d’euros, qui auront disparu fin février. Et les finances publiques se portent d’autant plus mal que les Grecs ont pour certains arrêté de payer leurs impôts pendant la campagne électorale, dans l’espoir d’allègements fiscaux.
“Le gouvernement se finance parce que les banques grecques achètent ses émissions de dette à court terme, et parce que la BCE soutient les banques en question. Si la BCE ferme le robinet, c’est fini”, prédit Alexandre Delaigue.
Personne ne sait combien de temps les banques vont pouvoir jouer ce rôle d’ultime recours, fragilisées comme elles le sont par des fuites de capitaux et des masses de créances douteuses.
“Les épargnants retirent leurs dépôts depuis des semaines, à hauteur de 5 milliards d’euros estimés pour décembre, et de 15 milliards en janvier”, a calculé Adam Memon, économiste du britannique Centre for Policy Studies.
xL’agence Standard and Poor’s a elle averti qu’elle était prête à baisser très rapidement les notes de solvabilité de Alpha Bank, Eurobank, National Bank of Greece et Piraeus Bank, estimant que ces quatre banques, qui pèsent 90% du marché, auront besoin bientôt “de mesures exceptionnelles de soutien”.