Ajaccio en Corse (Photo : Olivier Laban-Mattei) |
[31/01/2015 22:41:03] Saint-Quentin (AFP) Déformées par les chocs ou partiellement incendiées, ces voitures s’étalant à perte de vue ne sont plus, aux yeux du profane, que des tas de ferraille inutiles. D’autres y voient au contraire un filon sous-exploité.
“Notre matière première, c’est le véhicule”, explique à l’AFP Emmanuel Ducrocq, directeur commercial de sociétés de démolition automobile, dont l’une des branches installée à Saint-Quentin (Aisne) possède plusieurs centaines de voitures alignées sur son parc.
Accidentées ou irrémédiablement en panne, les voitures en fin de vie aboutissent dans des entreprises comme celle de M. Ducrocq. En 2014, environ un million de véhicules ont ainsi définitivement quitté les routes françaises.
Loin de l’image des casses d’antan, labyrinthe d’épaves baignant dans des flaques de cambouis, M. Ducrocq se flatte de l’ordre régnant dans ses locaux, un impératif économique aussi bien qu’écologique.
Les démolisseurs automobiles, agréés par l’Etat et souvent certifiés par des organismes de contrôle, doivent répondre à un cahier des charges d’autant plus précis que de nouvelles règles s’appliquent à la filière tout entière depuis le 1er janvier.
Une directive européenne exige en effet qu’au moins 85% du poids d’un véhicule hors d’usage soit désormais “réutilisé” ou “recyclé”. Dans ce dernier cas, cela veut dire trier les matériaux composant une automobile (métaux, caoutchouc, plastiques, verre…) pour les retransformer en matière première ou en nouveaux produits comme des moquettes.
La directive admet aussi que jusqu’à 10% du poids du véhicule soit “valorisé”, par exemple en servant de combustible dans des cimenteries. Seuls 5% du véhicule au maximum sont donc voués à l’enfouissement.
Pour Jean-Pierre Labonne, directeur général de Caréco, une coopérative qui détient plus de 10% du marché français des pièces auto d’occasion, ces nouvelles règles sont de nature à faire enfin décoller un secteur encore confidentiel.
– 30% du prix neuf –
“La pièce d’occasion ne représente que 2% de la pièce détachée de remplacement”, explique-t-il, y voyant “un potentiel énorme” de développement, dans un contexte économique général propice à des solutions bon marché.
Après un accident ou une panne mécanique grave, un expert mandaté par les assurances doit déterminer si une voiture est économiquement réparable, c’est à dire que le montant des frais ne dépasse pas la valeur du véhicule.
Or, les pièces neuves sont très chères. “Un pare-chocs, ça vaut entre 800 et 900 euros, c’est une fortune. D’occasion, ça vaut entre 200 et 300 euros”, selon M. Labonne. En moyenne, une pièce de carrosserie ou mécanique récupérée sur une épave se vend à 30% du prix neuf, et le montant économisé permet souvent de sauver une voiture qui aurait fini à la casse.
Les assureurs jouent de plus en plus le jeu, selon M. Labonne, car “ils ont les problèmes de tous les groupes industriels: un marché qui se dégrade, des clients qui ont de moins en moins de moyens”.
Quant aux garagistes et carrossiers, éventuellement réticents à remonter un produit moins cher, “ils savent aujourd’hui qu’ils feront quand même une marge et factureront de la main-d’oeuvre”.
Caréco, qui fédère quelque 90 centres en France dont ceux de M. Ducrocq, garantit ses pièces pendant un an, afin de rassurer les clients qui hésiteraient à recourir à cette solution.
Pour 2015, la coopérative veut faire aboutir un projet d’envergure: une base nationale de pièces détachées disponibles chez ses adhérents, accessible sur internet, avec des millions de références. Sur les centaines de mètres d’étagères de l’entrepôt de M. Ducrocq, chaque alternateur, démarreur, phare ou rétroviseur s’orne déjà d’une étiquette détaillée, avec code-barre.
Paradoxe, le nombre des véhicules en fin de vie tend à décroître, ce qui risque de poser un problème d’approvisionnement à la filière. En deux ans, M. Ducrocq a constaté une baisse de 40% des arrivées de véhicules sur ses parcs. “Avec la crise, les gens roulent moins, la répression fait qu’ils roulent moins vite, et il y a beaucoup moins d’accidents”, explique-t-il.