à Bruxelles, le 18 décembre 2014 (Photo : Thierry Charlier) |
[01/02/2015 10:31:37] Lisbonne (AFP) “Le Portugal n’est pas la Grèce”, martèle le gouvernement à Lisbonne, fidèle à sa politique d’austérité. Mais les Portugais, toujours soumis à de durs sacrifices, regardent avec un mélange d’espoir et de résignation le tournant pris par Athènes.
Le programme de Syriza est “un conte de fées”, a asséné le Premier ministre de centre droit, Pedro Passos Coelho, dès le lendemain de la victoire électorale du parti de gauche radicale en Grèce. Invitant Athènes à respecter les règles européennes, il s’est opposé à toute “annulation ou restructuration” de la dette grecque.
Le chef du gouvernement portugais estime que son pays va mieux que la Grèce grâce à la rigueur budgétaire appliquée depuis 2011. Comme prévu, Lisbonne s’est affranchi en mai dernier de la tutelle de ses créanciers, et envisage même de rembourser par avance les prêts du Fonds monétaire international (FMI).
Le déficit public du Portugal “passera cette année sous la barre des 3% du PIB pour la première fois en 15 ans”, répète à l’envi M. Passos Coelho. Pour 2015, sa majorité a adopté un budget sans nouvelle mesure d’austérité malgré les critiques de Bruxelles, qui y voit un “relâchement” des efforts de Lisbonne.
Alors que de nombreux Grecs retirent leur argent des banques, les Portugais se sont rendus massivement dans les bureaux de poste ces derniers jours pour acheter des titres de dette publique, profitant de conditions avantageuses qui expiraient vendredi.
-‘Impossible de vivre décemment’-
Mais dans les rues de Lisbonne, certains attendent encore de voir leur situation s’améliorer. “Le gouvernement dit que ça va mieux, mais je n’ai encore rien remarqué, ça fait deux ans que je suis au chômage”, se désole Duarte Noronha, ancien cadre dans une multinationale.
Pour cet homme élégant de 58 ans, aux yeux pétillants derrière de fines lunettes, la voie de l’austérité était “la seule possible pour le Portugal”. Mais, admet-il, “l’économie profiterait d’une augmentation du salaire minimum” qui, en Grèce, vient d’être rétabli à 751 euros.
ès la proclamation de la victoire du parti de gauche Syriza, le 25 janvier à Athènes (Photo : Aris Messinis) |
Au Portugal, il n’est que de 505 euros par mois, malgré une hausse de 20 euros en octobre. “C’est impossible de vivre décemment avec cette somme”, s’emporte Roberto Rodrigues, un soudeur de 30 ans à la barbe blonde, en déchargeant de lourdes pièces métalliques d’un camion.
Travaillant de chantier en chantier, payé au minimum légal, il vit encore chez ses parents à Seixal, une banlieue ouvrière de Lisbonne située sur la rive sud du Tage. “Une fois que j’ai payé ma part du loyer, il me reste juste de quoi acheter à manger”, raconte-t-il.
Selon les plus récentes statistiques officielles, la pauvreté touche près d’un Portugais sur cinq.
-‘Sentiment de révolte’-
Au Parlement, la victoire de Syriza a donné un nouveau souffle à l’opposition de gauche, qui veut incarner l’alternative à l’austérité emmenée par le Parti socialiste, favori des sondages en vue des élections législatives prévues à l’automne.
Critiqué pour avoir appliqué les recommandations de la troïka des créanciers avec trop de zèle, M. Passos Coelho est même accusé d’être “plus allemand que la chancelière Angela Merkel” par le Bloc de gauche, formation politique portugaise la plus proche de Syriza, créditée de moins de 4% des intentions de vote.
Raquel Oliveira, porte-parole du mouvement “Juntos Podemos”, veut croire que “les Portugais vont se mobiliser contre l’austérité”. “Un vent d’espoir souffle sur le sud de l’Europe depuis l’élection de Syriza”, estime la représentante du petit frère lisboète du parti antilibéral espagnol “Podemos”.
Mais pour le politologue Antonio Costa Pinto, “il y a au Portugal un sentiment de révolte qui ne se traduit pas dans les urnes”. “Le conflit social est ici moins marqué qu’ailleurs en Europe, ce qui peut s’expliquer par une forme de résignation”, ajoute-t-il.
“Le peuple grec a eu le courage que le peuple portugais n’aura jamais”, regrette Fernando Fernandes, un fonctionnaire lisboète de 47 ans.