à Paris, le 29 janvier 2015 (Photo : Lionel Bonaventure) |
[03/02/2015 13:59:56] Paris (AFP) Philippe Martinez et son équipe, adepte d’une ligne plutôt radicale, ont pris mardi la tête de la CGT, succédant à Thierry Lepaon démissionnaire, ce qui met un terme à la plus grave crise qui a ébranlé le premier syndicat français pendant trois mois.
Le numéro un de la fédération de la métallurgie, 53 ans, a été plébiscité comme secrétaire général, obtenant 93,4% des voix du Comité confédéral national (CCN, “parlement” de la centrale), a appris l’AFP auprès d’une source interne, information confirmée par la CGT.
L’équipe qui formera le nouveau bureau confédéral a obtenu, elle, 88,8% des voix.
Colette Duynslaeger, 55 ans, (numéro un de La Poste) est élue au poste sensible d’administrateur-trésorier avec un score moins spectaculaire (82% voix).
L’ex-délégué de Renault Boulogne-Billancourt, qui à l’inverse de ses prédécesseurs n’a pas sa carte au PCF, venait mardi pour la seconde fois devant le “parlement”, réuni au siège de la centrale, pour faire adouber son bureau.
Le 13 janvier, le CCN (96 fédérations et 28 unions départementales) lui avait refusé les deux tiers des voix dont il avait besoin, jugeant son équipe trop proche de l’ex-numéro un.
Le métallurgiste, immédiatement identifiable grâce à sa moustache, avait opté cette fois pour un jugement de Salomon: son bureau comprend pour moitié des pro-Lepaon – notamment Colette Duynslaeger – et pour moitié des anti-Lepaon farouches, ce qui augurait son adoption.
Depuis fin octobre une bataille acharnée était en cours entre les opposants de M. Lepaon – qui exigeaient sa démission après les révélations sur ses dépenses aux frais de la CGT – et ses partisans qui le disaient victime d’une cabale interne. Finalement l’intéressé a jeté l’éponge le 7 janvier.
A la faveur de cette crise entrent au bureau confédéral des responsables qui appartiennent à la tendance réputée “radicale” de la CGT et qui sont proches du Front de gauche comme Pascal Joly, membre du Conseil national du PCF, Céline Verzeletti (fonction publique), Denis Lalys (organismes sociaux), tous anti-Lepaon.
Plusieurs responsables “réformistes”, qui contestaient également la gouvernance de Thierry Lepaon, sont exclus de la nouvelle direction, mais ont soutenu cette équipe qui “rassemble”, souligne à l’AFP l’un d’entre eux.
– “Une ligne durcie” –
Le 15e secrétaire général de la CGT a la lourde tâche de définir une orientation consensuelle entre tous ces courants, d’ici le prochain congrès fixé au printemps 2016.
Il devra aussi apaiser les querelles intestines, séquelles de la crise de succession de Bernard Thibault de 2012, et attisées ces trois derniers mois par de vives altercations.
“La sortie du jeu des plus modérés est un peu une inquiétude, parce que c’était eux qui assuraient la continuité avec la ligne de Bernard Thibault”, relève auprès de l’AFP Rémi Bourguignon, professeur à I’IAE Paris-Sorbonne.
Mais, “dans ce contexte compliqué, M. Martinez sera obligé de travailler dans le consensus et ne pourra pas avoir une position trop radicale, car la CGT est au bord de le rupture”, estime ce chercheur.
à Paris, le 16 octobre 2014 (Photo : Thomas Samson) |
Le métallurgiste, selon lui, devra “tirer des leçons de l’expérience de Thierry Lepaon” – dont l’orientation était confuse et la gouvernance contestée – pour exercer “une gouvernance plus ouverte et plus participative”.
Pour Bernard Vivier, directeur de l’Institut supérieur du travail, la CGT “va durcir le ton contre le gouvernement, contre le patronat et contre les autres organisations syndicales”, mais cela ne veut pas dire que M. Martinez “n’ira pas ensuite vers une ligne plus axée sur la négociation”.
Dominique Andolfatto, professeur à l’université de Bourgogne, estime auprès de l’AFP qu’avec cette équipe constituée en grande majorité de responsables issus du secteur public, la ligne “va se durcir”. Il prévoit une “CGT sur la défensive, repliée sur ses bastions”.
Jusqu’au bout une fraction très minoritaire et radicale (CGT Goodyear et la métallurgie Nord-Pas-de-Calais) a réclamé en vain la tenue d’un Congrès extraordinaire en 2015.
Le premier syndicat français est à la recherche d’un nouveau souffle dans un contexte difficile: il est en perte de vitesse dans ses bastions (fonction publique, Orange, énergie, SNCF) et ses appels à la mobilisation contre les réformes du gouvernement n’ont pas été des succès.