Turquie : une banque proche du mouvement Gülen placée sous tutelle de l’Etat

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évrier 2015 à Ankara (Photo : Asem Altan)

[04/02/2015 14:35:10] Istanbul (AFP) La banque islamique Bank Asya, dixième établissement financier de Turquie, proche de la mouvance de l’imam Fethullah Gülen, rival du président turc Recep Tayyip Erdogan, a été placée tard mardi sous la tutelle de l’Etat pour manque de “transparence”.

Cet établissement subissait des revers depuis plusieurs mois en raison notamment de l’acharnement du régime islamo-conservateur.

Le TMSF, le Fonds d’assurance et de Garantie des Dépôts, organisme public dont la fonction est l’assurance et la garantie des dépôts bancaires, a modifié la direction de la banque sur ordre de l’instance de régulation du secteur bancaire (BDDK) dont il contrôle désormais les 63%.

Cette dernière instance a immédiatement nommé de nouveaux administrateurs car Bank Asya “viole les conditions de transparence, de partenariat et d’organisation”.

Interrogé mercredi, le ministre turc de l’Economie Nihat Zeybekçi, a estimé que cette saisie ferait taire les spéculations.

“Ce qui devait être fait est fait”, a-t-il laconiquement dit aux journalistes à Ankara.

Fondée en 1996, la Bank Asya emploie plus de 5.000 personnes dans 300 agences et comptait quelque quatre millions de clients.

Réputée proche du mouvement Hizmet (service en Turc) dont à la tête se trouve M. Gülen qui vit aux Etats-Unis, la banque avait subi les attaques du régime et de l’homme fort de Turquie, M. Erdogan, qui a déclaré une véritable guerre contre son organisation qu’elle considère comme l’instigateur des enquêtes de corruption qui l’ont déstabilisé l’an dernier.

L’été dernier, le gouvernement avait retiré à cet établissement financier du pays le droit de collecter les impôts au nom de l’Etat et prié quelques gros clients, comme Turkish Airlines, d’y fermer leurs comptes.

Conséquence, Bank Asya a annoncé en novembre avoir licencié un tiers de ses effectifs, fermé 80 agences et déclaré des pertes de 110 millions d’euros au 3e trimestre.

Et M. Erdogan avait nié alors toute responsabilité dans les difficultés de Bank Asya. “Il se dit que certains veulent faire couler une banque. C’est faux, cette banque a déjà coulé”, s’est-il amusé publiquement en septembre.

Environ 200 personnes constituées pour la plupart d’épargnants se sont rassemblées devant la principale succursale de la banque dans le centre d’Ankara conspuant la décision des autorités financières.

“Je ne viens pas pour retirer mon argent, au contraire je viens pour déposer”, a lancé un sexagénaire montrant une liesse d’argent dans sa main aux journalistes.

Sur une banderole déployée par les manifestants on pouvait notamment lire “Après les boîtes d’argent, c’est au tour d’attaquer Bank Asya”, une référence au millions de dollars retrouvés par la police, selon la presse, au domicile de dignitaires proches de M. Erdogan lors de perquisitions effectuées dans le cadre des enquêtes de corruption qui ont depuis été entérrées par la justice au grand dam de l’opinion publique.