L’emprunt obligataire de 1 milliard de dollars obtenu par la Tunisie sur le marché financier international (environ 2 milliards de dinars), le 27 janvier 2015 augmenterait, selon la BCT, le taux d’endettement de la Tunisie, à fin 2015, d’environ 2,2% du PIB. Ce taux étant actuellement de 51,6% (2014).
Dans une note d’information qu’elle vient de publier sur cette émission obligataire, la Banque centrale de Tunisie précise que “les remboursements de la dette liés à l’emprunt obligataire seront de 56 MDT en 2015. Il s’agit simplement d’intérêts qui seraient payés au cours du second semestre de l’année en cours. Ce paiement aurait un impact de 0,1% sur le ratio de la dette par rapport aux recettes courantes de cette année”.
L’Institut d’émission fait savoir que «pour toute la période, 2016-2025, les montants à payer concerneraient les intérêts uniquement et représenteraient environ 0,3% des recettes courantes actuelles».
L’emprunt est de type ‘Bullet’, c’est-à-dire que la Tunisie va payer en bloc en 2025 un montant portant sur le principal de 1 milliard de dollars, en plus des intérêts.
Les arguments qui justifient l’emprunt obligataire
La BCT entend “éclairer l’opinion publique tunisienne”, après la multiplication des critiques acerbes à l’encontre de cet emprunt, de la part des politiques et des experts. Elle invoque cinq arguments pour justifier le lancement de cet emprunt.
Primo, “l’aggravation du déficit budgétaire tunisien en 2015, qui atteindra le chiffre record de 7,5 milliards de dinars”.
Secundo, “les incertitudes planant sur le déboursement en 2015 des financements au titre de l’appui budgétaire en provenance des trois institutions multilatérales majeures (Banque mondiale, Fonds monétaire international et Banque africaine de développement) ainsi que l’Union européenne, et qui avaient joué un rôle important dans le financement du déficit budgétaire tunisien au cours des années 2011, 2012 et 2013”.
Tertio, “les incertitudes à propos de la réalisation en 2015 d’une émission de sukuks souverains de l’ordre de 1 milliard de dollars, comme l’échec de l’expérience tentée en 2014 le prouve”.
Quarto, “le besoin de renforcer le stock de nos avoirs en devises pour faire face aux dépenses croissantes, libellées notamment en dollar, et de stabiliser le taux de change du dinar”.
La BCT signale, au passage, que le produit de l’émission obligataire récemment conclue a permis “de consolider les avoirs nets en devises du pays pour les porter à un chiffre record jamais atteint dans l’histoire de la Tunisie, soit plus de 15 milliards de dinars ou l’équivalent de 129 jours d’importation”.
Quinto, “le renforcement de la part de la dette extérieure tunisienne à moyen et long termes (10 ans et au-delà), que l’émission pouvait assurer”.
La BCT avance deux arguments pour justifier le lancement de cette émission obligataire sans garanties publiques extérieures, c’est-à-dire basée sur le seul risque tunisien.
D’après elle, “il est peu probable de reconduire des émissions obligataires tunisiennes en devises avec des garanties publiques étrangères (USA, Japon ou autres), en 2015. Ce type de garanties, qui était disponible par le passé, n’est pas évident aujourd’hui”.
L’Institut d’émissions considère, aussi, qu’il y a un besoin de tester, dès 2015, le retour de la Tunisie sur les marchés des capitaux internationaux “sans béquilles” (sur la base du seul risque tunisien).
Janvier 2015, propice à un retour sur les marchés étrangers
Pour l’Institut d’émission, “le mois de janvier 2015 est particulièrement propice au retour de la Tunisie sur les marchés financiers internationaux, du fait du niveau très bas des taux d’intérêt actuels aux Etats-Unis et en Europe et des perspectives quasi-certaines d’un resserrement des taux d’intérêt américains et européens au plus tard, à compter du début du second semestre 2015”.
“Un recours différé de notre retour sur les marchés des capitaux étrangers risque de nous coûter beaucoup plus cher. L’argumentaire développé, ici et là, qui plaide en faveur d’une sortie, plus tard, sur les marchés de capitaux étrangers traduit, pour le moins, une méconnaissance de la réalité des marchés financiers”.
La BCT évoque, également, la nécessité de prendre en compte les besoins de financement du budget de l’Etat au cours du 1er trimestre 2015. Il s’agit de doter le budget de ressources -y compris pour le remboursement par l’Etat, ce mois de février 2015, de plus de 700 millions de dinars d’obligations du Trésor échues.
Le relèvement du montant de l’émission à 1 milliard de dollars, alors que le montant initialement prévu était entre 500 millions et 700 millions de dollars, est expliqué par deux raisons, par la BCT.
D’abord “la tournée de promotion de l’émission auprès de quelques 80 investisseurs internationaux de renom, à Londres, à Los Angeles, à New-York, à Munich et à Paris, s’est conclue par des offres de souscription à l’emprunt tunisien de plus de 4 milliards de dollars, soit entre 5 fois et 8 fois le montant initial de l’émission. Un engouement sans précédent pour la dette souveraine tunisienne, d’autant plus remarquable que le risque tunisien était seul en jeu”.
Ensuite, “pareil engouement de la part de financiers méfiants et prudents ne pouvait être qu’un vote de leur part pour l’avenir de la Tunisie nouvelle”.
Réagissant aux critiques formulées par un nombre d’experts, selon lesquelles le taux de remboursement de l’emprunt (5,75%) dépasse de loin le taux de croissance (2,5%), la BCT précise que «ce qui devrait être comparé, c’est le coût moyen de l’endettement total de la Tunisie avec le taux de croissance économique, non pas sur une année donnée, mais sur une période de temps plus longue. Plus encore, l’évolution du déficit courant devrait aussi être prise en compte».
La BCT a, enfin, convenu que ce taux (5,75%) est plus élevé que celui consenti pour des émissions conclues en 2014, mais ces dernières étaient assorties d’une garantie gouvernementale étrangère. En contrepartie, cette opération d’émission va permettre de constituer un book d’investisseurs étrangers influents et d’attirer les investissements directs étrangers, qui manquent à la Tunisie, ainsi que de s’ouvrir sur les marchés de capitaux étrangers, vecteur essentiel pour accélérer le processus d’émergence économique et de se libérer progressivement des contraintes des financements multilatéraux pas toujours adaptés aux besoins d’une croissance forte et durable.
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