Varoufakis, V comme VRP du nouveau gouvernement grec

c5f4d872cd29fa3a59cf3af50cec6a46de2cce41.jpg
évrier 2015 à Berlin (Photo : Odd Andersen)

[06/02/2015 11:21:09] Athènes (AFP) Sa décontraction irrite ou séduit, ses formules font mouche auprès des médias, sans amadouer pour autant les grands argentiers européens : le ministre des Finances Yanis Varoufakis a focalisé, au fil d’une semaine itinérante, la curiosité pour le nouveau gouvernement grec.

Depuis son entrée en fonction, cet universitaire de 53 ans quasi-novice en politique est devenu une machine à inspirer les titres qui claquent. Les journaux français l’ont dépeint en “ministre rock’n roll” et annoncé l’avènement de la “Grèce Bruce Willis”.

La “Grèce Bruce Willis” a déjà quelques bosses après le bilan mitigé de la tournée européenne du ministre des Finances et du Premier ministre Alexis Tsipras. Elle s’est conclue sur la décision de la BCE de restreindre le financement des banques grecques et un constat du fossé qui sépare Athènes et Berlin.

Ce périple diplomatique a aussi acté le fossé entre les thuriféraires du phénomène Varoufakis et les sceptiques. “Tous mes clients, de droite ou de gauche, sont dingues de ce Varafoukis”, témoignait cette semaine dans le quotidien Ta Nea un boulanger athénien nettement plus réservé.

L’intérêt médiatique avait immédiatement été piqué par la désignation comme négociateur en chef de la dette d’un économiste hétérodoxe, pourfendeur des plans de sauvetage internationaux de la Grèce, rebelle aux costumes.

En une semaine d’exposition publique intense, il a imprimé sa marque : sac à dos, moto ou classe éco pour les déplacements, anglais aisé et main dans la poche pour les conférences de presse.

Ses apparitions n’ont pas intéressé que les journalistes financiers.

Lors de sa visite à Londres, la spécialiste “style” au quotidien The Guardian a eu la sensation d’assister “à un petit moment de mode” lors du choc des looks Yanis Varoufakis/George Osborne -son homologue britannique- le Grec, toujours sans cravate, ayant opté pour une chemise bleu électrique flottant sur son pantalon, et des chaussures montantes.

– Gauche et star système –

Son imperméable en cuir a inspiré quelques comparaisons audacieuses: “vague rappel d’un manteau de dealer du Manchester des années 90” que “Poutine pourrait porter pour aller chasser l’ours”, selon deux journalistes du Guardian, lui donnant l’allure d’un gars “sur le chemin du pub”, selon le Zeit allemand.

Au-delà d’une allure détonante, accentuée par son crâne rasé et sa mâchoire carrée, le ministre sait ciseler des tournures en forme de slogans qui frappent l’opinion: la Grèce est un “junkie qui réclame sa nouvelle dose de prêts et qu’on doit sevrer” ; les Grecs, “des canaris dans la mine de charbon”, la zone euro, un Hôtel California “dont on ne sort jamais”, comme dans la chanson ; la troïka UE-BCE-FMI est une “planche pourrie”.

Frénétique du verbe et des réseaux sociaux, Yanis Varoufakis a donné des interviews tous azimuts à Paris, Londres, Rome, Francfort, Berlin, puis utilisé son compte twitter pour les amender lorsque l’interprétation journalistique ne lui plaisait pas.

c03169d661529222bdf21b8f0e12e894e3d8a2fb.jpg
à Londres, le 2 février 2015 (Photo : Justin Tallis)

Les internautes se sont emballés, s’emparant de son image dans une avalanche de détournements humoristiques. Ces dizaines de pastiches s’inspirent des films ‘Die Hard’, ‘Breaking Bad’, ‘V pour Vendetta’, ‘Star Trek’ ou ‘Terminator’ pour métamorphoser le ministre grec en héros promis à sauver le pays.

D’autres, sans doute moins convaincus de ses supers pouvoirs, le voient en Voldemort, le grand méchant sorcier d’Harry Potter.

Un “tumblr”, forme de blog thématique, a été créé autour du concept très ouvert “Yanis Varoufakis doing things”, alimenté, donc, de photos du ministre “faisant des choses” (marcher, manger, boire, dormir). La page facebook “V for Varoufakis” compte plus de 50.000 fans.

Loin du monde virtuel, un bar de Thessalonique (nord) a lancé cette semaine le cocktail “Varou-funcky”.

“Et voilà, a ironisé le journal satirique grec Pontiki, comment la victoire historique de la gauche est flanquée du star-système le plus sauvage”.

Trop, beaucoup trop pour ceux qui taxent le ministre de narcissisme et d’excentricités dont la moins pardonnable serait d’avoir effacé un “n” de son prénom. “Nous avons confié l’économie du pays à un homme qui écrit Yannis avec un seul +n+, Dieu, ayez pitié de nous”, a twitté un député grec ultraconservateur.