Trophos, pépite marseillaise de biotechnologies à la vie mouvementée

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éveloppement pharmaceutique et Caroline Gouarne (droite), chercheuse en biologie cellulaire, travaillent dans le laboratoire de Trophos à Marseille le 3 février 2015 (Photo : Anne-Christine Poujoulat)

[12/02/2015 10:55:53] Marseille (AFP) L’entreprise marseillaise Trophos, récemment rachetée à prix d’or par le groupe pharmaceutique suisse Roche, a tout de la “success story”. Mais avant de parvenir à la percée majeure qui fait toute sa valeur aujourd’hui, la société de biotechnologies a joué sa survie plusieurs fois, à l’instar de nombreuses entreprises innovantes du secteur.

“Il y a un an, les actionnaires – qui sont très contents aujourd’hui – avaient le sentiment d’avoir tout perdu”, résume Antoine Beret, l’un des fondateurs, et actionnaire de la société, aujourd’hui à la retraite.

Et pour cause : l’étude de phase II d’une molécule sur laquelle Trophos fondait beaucoup d’espoir, s’est révélée négative.

Quelques semaines plus tard, c’est l’euphorie: un essai clinique clef démontre l’efficacité d’une autre molécule, l’olésoxime, sur l’amyotrophie spinale infantile (SMA). C’est ce futur traitement, permettant selon ses résultats de stopper ou de freiner la progression de cette maladie génétique neurologique très grave et incurable, qui justifie aujourd’hui son rachat par Roche.

L’opération prévoit que Roche effectue “un versement préliminaire de 120 millions d’euros aux actionnaires de Trophos, ainsi que des versements supplémentaires pouvant atteindre 350 millions d’euros” au fur et à mesure du développement du médicament. Soit 470 millions d’euros, pour une entreprise qui compte aujourd’hui une vingtaine de personnes.

Ces “montagnes russes” de l’échec et du succès sont à l’image de la vie de la société, de sa création en 1999 à sa revente aujourd’hui à une “big pharma”, nom donné aux grands laboratoires pharmaceutiques.

– Des Déboires –

Trophos a vu le jour sous le patronage de Chris Henderson, un scientifique britannique travaillant à Montpellier puis à Marseille, raconte la présidente du directoire, Christine Placet. Ce chercheur a mis au point un modèle pour “tester un grand nombre de molécules” sur les neurones moteurs, les cellules qui dépérissent anormalement chez les malades atteints par la SMA.

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à Marseille le 3 février 2015 (Photo : Anne-Christine Poujoulat)

Les chercheurs testent ainsi 40.000 molécules et s’arrêtent sur une famille, les cholestérol-oximes. Plusieurs molécules sortent alors du lot, notamment l’olésoxime.

Mais même avec cette molécule “star”, cette société a connu des déboires: un essai clinique de grande ampleur est lancé en 2009 pour la tester sur une autre maladie, la sclérose latérale amyotrophique (SLA), plus connue sous le nom de maladie de Charcot.

“On n’a pas réussi à en démontrer l’efficacité. Ca a été terrible, on a cru qu’on ne s’en remettrait pas”, se souvient Mme Placet. Et le contrat qui prévoyait le rachat de Trophos par un laboratoire suisse, Actélion, tombe également à l’eau, après cet échec en 2011.

“On a perdu des hommes-clefs. On a concentré tous nos moyens sur les projets en cours”, dont celui du traitement de la SMA, explique la dirigeante.

Les effectifs, qui étaient montés jusqu’à 40 personnes, fondent. En seize ans d’existence, “nous avons appris plusieurs métiers (…), les +big pharma+ qui nous ont audités, n’en reviennent pas de ce qu’on a pu faire avec si peu de moyens”, se réjouit Christine Placet.

“Cela représente une prouesse scientifique – on ne trouve pas de nouvelle molécule en neurologie en ce moment ! – et une prouesse entrepreneuriale”, se réjouit Antoine Beret.

– Continuel renouvellement –

Dans ce domaine, “il faut avoir du souffle, tous les deux ans, il faut trouver de l’argent”, souligne-t-il évoquant “la recherche, 90% d’échecs et 10% de succès, et encore, quand vous avez la main heureuse”.

Le fondateur salue surtout le rôle de l’AFM-Téléthon, un soutien financier stable et solide, pierre angulaire d’un partenariat original “entre une association philanthropique et une société de biotech”, précise-t-il.

L’AFM a en effet pris une partie du capital (9,6%) et a régulièrement apporté de l’argent depuis le début des activités de Trophos, aujourd’hui succès financier et médical. “On s’est placé en +scientifique risqueur+, pas en +capital-risqueur+, explique le directeur scientifique de l’AFM-Téléthon, Serge Braun.

Paradoxe après ce succès: nul ne sait ce qu’il adviendra de Trophos, après son rachat par Roche.

Ainsi va la vie dans les biotechnologies, pour Serge Braun: “c’est comme la peau, qui est en continuel renouvellement. Dans les biotechnologies, c’est un peu pareil, vous avez des entreprises qui se créent puis qui disparaissent ou qui se transforment”.