Travailleurs détachés : le gouvernement veut frapper les fraudeurs au porte-monnaie

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évrier 2015 à Paris (Photo : Eric Feferberg)

[12/02/2015 16:04:13] Paris (AFP) Amendes prohibitives, retrait des aides publiques, contrôles renforcés: le gouvernement hausse le ton contre la fraude aux travailleurs étrangers détachés en France et promet de frapper durement au porte-monnaie les entreprises fautives.

Si 230.000 salariés détachés ont travaillé légalement en France en 2014, selon une estimation présentée jeudi à la Commission nationale de lutte contre le travail illégal et consultée par l’AFP, ils seraient au moins autant à travailler illégalement. Un rapport sénatorial de 2013 les évaluait entre 220.000 et 300.000. Soit un manque à gagner de 380 millions d’euros pour la sécurité sociale, estimait en septembre la Cour des comptes.

“La fraude ne restera pas impunie et nous appliquerons les sanctions avec la plus grande sévérité”, a tonné Manuel Valls, en installant jeudi le groupe national d’inspecteurs sur le travail illégal au ministère du Travail. Le Premier ministre a ensuite présenté à Matignon son plan de lutte contre les fraudes au détachement, dont l’AFP a obtenu copie.

Principale annonce: l’amende maximum pour fraude au détachement sera portée à 500.000 euros. Actuellement, la sanction ne peut excéder 10.000 euros, à raison de 2.000 euros par salarié détaché et de 4.000 euros en cas de récidive.

Cette mesure sera intégrée au projet de loi Macron pour la croissance, par le biais d’un amendement parlementaire soutenu par le gouvernement. Le texte prévoyait initialement un plafond de 150.000 euros.

Parallèlement, les fraudeurs ne bénéficieront plus d’aucune exonération de cotisation sociale, a prévenu le Premier ministre. Jusqu’à présent, seules certaines aides étaient retirées.

Manuel Valls a également indiqué que les 500 plus importants chantiers de construction subiraient des contrôles renforcés en 2015.

Le gouvernement souhaite enfin promouvoir la coopération entre services (inspection du travail, police, gendarmerie, Urssaf, fisc, douane…). L’objectif pour 2015 est de réaliser 30.000 contrôles conjoints, qui devront représenter 50% des opérations, contre environ un tiers aujourd’hui.

– 30% d’économies –

Le plan gouvernemental inclut également des mesures annoncées fin octobre par le ministre du Travail François Rebsamen, notamment la création d’une carte d’identité professionnelle obligatoire sur les chantiers de construction, réclamée par la Fédération française du bâtiment (FFB) et qui figure dans la loi Macron.

M. Rebsamen avait également annoncé la mise en place d’une liste noire des entreprises condamnées pour fraude au détachement. Ce sont les secteurs du bâtiment et travaux publics (BTP), de l’agriculture et des transports qui sont “les plus durement touchés”, selon Matignon.

La directive européenne sur le détachement date de 1996. Elle prévoit que les cotisations sociales sont dues dans le pays d’origine, mais l’employeur doit respecter les règles du pays d’accueil sur les rémunérations ou les conditions de travail.

En décembre 2013, les Etats de l’Union européenne s’étaient mis d’accord, après d’âpres négociations, pour mieux encadrer le dispositif, en renforçant les contrôles et en introduisant une responsabilité du donneur d’ordre en cas de fraude commise par un prestataire. Ces mesures ont été transcrites dans le droit français par une proposition de loi du député PS Gilles Savary, adoptée l’été dernier.

Mais la France souhaite que le droit européen aille plus loin. Elle plaide pour une harmonisation européenne sur le plan social, avec l’instauration d’une rémunération minimale obligatoire et le rapprochement progressif des prélèvements sociaux. Car même en respectant les règles, le détachement reste avantageux pour les entreprises.

Selon le rapport sénatorial de 2013, grâce aux écarts de couverture sociale, une entreprise du BTP économise 30% en faisant appel à un Polonais, première nationalité de main d’oeuvre détachée en France, plutôt qu’un Français.