Le scénario est bien rodé… On dirait une sitcom américaine dont les grosses ficelles n’échappent que peu à celui qui sait regarder… Encore une échauffourée dans le sud entre jeunes et forces de l’ordre. Encore un poste de police incendié. Encore des victimes -cette fois on déplore la mort d’un jeune et les graves blessures de son cousin…
Ce qui s’est passé à Dhehiba est, encore une fois, regrettable. Regrettable mais prévisible. Dans ce Sud ravagé par le chômage et la misère de 60 ans d’abandon par Dieu et les pouvoirs consécutifs, il suffit d’une allumette pour déclencher le brasier. Ceci s’est vérifié à El Hamma après le 21 décembre 2014, à Kébili, à Souk Lahad et ailleurs.
Les signes annonciateurs sont partis d’ailleurs. De Ben Guerdane. Depuis quelques jours, les habitants protestent d’abord contre la taxe de sortie de 30 dinars, ensuite absurdement contre une décision d’on ne soit quelle autorité libyenne -et il y en a plusieurs- qui a décidé d’interdire tout import de Libye.
Dans la version officielle, des jeunes de la ville de Dhehiba qui protestent contre le chômage et la taxe de sortie se sont pris violemment à un poste de police qu’ils ont fini par incendier et ont voulu aussi s’attaquer contre le poste frontalier. Les forces spéciales de la Grade nationale ont riposté d’abord par gaz lacrymogène et ensuite par balles réelles, faisant un mort et un blessé grave… par ricochet a priori! Cette version est évidement contestée par les associations et les habitants qui dénoncent un usage démesuré de la force.
D’autres informations venant cette fois de l’UGTT locale parlent d’un incident bizarre qui aurait déclenché la pagaille. Deux voitures appartenant à des trafiquants de carburant depuis la Libye se sont fait arrêtées et saisies par la Grade nationale. Des amis et proches des trafiquants ont manifesté devant le poste de police et ont voulu libérer les détenues.
Cette version des faits ruine complètement le caractère spontané et paisible des protestations que les organisations de la société civile veulent faire accréditer. A vrai dire le mélange de tous ces ingrédients est fortement inflammable. A El Hamma, c’était la même chose et il s’est avéré que des trafiquants -qui avaient des comptes à régler avec la police locale- se sont mêlés aux manifestants et ont fait virer les protestations.
Il est clair que le gouvernorat de Tataouine est ravagé par le chômage et le manque de perspectives. Les ressources naturelles dont parlent maintenant la société civile se trouvent de l’autre côté vers El Borma et personne ne veut comprendre que ce champ pétrolier que nous siphonnons depuis les années 60 est presque épuisé! Il faudrait être ingénieux et particulièrement innovant pour imaginer un modèle de développement de ce sud pauvre et sec, de ce désert de pierre chauffé par un soleil de plomb, de ces entendues gigantesques balayées par le sirocco à longueur d’année et infestée de serpents et autres couleuvres.
Tataouine c’est aussi ça. Alors avoir vingt ans dans ces contrées ne vous destine qu’à un seul business: les frontières avec la Libye et le trafic via Wazzen de l’autre côté de la frontière. Un village aussi pauvre que Dhehiba!