Le Rafale, effet domino après l’Egypte?

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ôtes de Toulon le 13 janvier 2015 (Photo : Anne-Christine Poujoulat)

[14/02/2015 08:25:25] Paris (AFP) L’Egypte, qui va acquérir lundi 24 Rafale, va-t-elle emporter dans son sillage d’autres pays qui ont manifesté leur intérêt pour l’avion de combat du français Dassault Aviation? La question divise les experts du secteur de la Défense.

Depuis son entrée en service en 2004 dans les forces armées françaises, l’appareil avait jusqu’à présent essuyé six échecs à l’export: aux Pays-Bas et en Corée du Sud en 2002, à Singapour en 2005, au Maroc en 2007, en Suisse en 2011 et au Brésil en 2013.

“Est-ce que cela se fera avec d’autres pays? Il y a plusieurs pistes, Inde, Qatar”, a résumé jeudi soir le président français François Hollande. “Je ne veux rien annoncer tant que cela n’est pas conclu”, a-t-il insisté, échaudé par ce qu’il a lui-même qualifié de “déconvenues”.

Le chef d’Etat français estime pourtant que ce premier contrat “pourra être un élément de conviction supplémentaire” vis-à-vis des potentiels clients.

“C’est une très bonne nouvelle et à plusieurs égards. D’abord parce qu’enfin Dassault va pouvoir faire valoir une première référence à l’export, ce qui est un des principaux facteurs clés de succès pour les campagnes export à venir, notamment au Moyen-Orient”, commente Stéphane Albernhe, spécialiste des questions défense au cabinet de conseils Archery Strategy Consulting.

Il relève que l’industriel engrange 24 des 40 commandes qui doivent être réalisées à l’export, sur les 55 Rafale qui doivent être produits à l’horizon 2019. “C’est la quantité nécessaire pour maintenir le plan de charge et les socles de compétences, tel que cadré par la Loi de Programmation Militaire”.

Par conséquent, l’industriel français va gagner en sérénité pour les négociations en particulier avec l’Inde avec lequel le rapport de force était jugé déséquilibré depuis l’entrée en discussions exclusives début 2012 pour la vente de 126 appareils.

“La France va être mieux placée pour ne pas accepter un trop grand déséquilibre dans le schéma industriel, c’est-à-dire ce qui est transféré aux industriels indiens et ce qui est produit en France”, ajoute Stéphane Albernhe.

Outre l’Inde, le Qatar et les Emirats Arabes Unis, ou encore la Malaisie à plus long terme sont régulièrement cités comme candidats potentiels.

Philippe Plouvier, expert au cabinet Boston Consulting Group, se montre de son côté plus circonspect, le contrat égyptien ne s’expliquant que par un contexte géostratégique très particulier.

“distanciation vis-à-vis des Russes”

“L’Egypte est un acteur qui achetait depuis longtemps américain pour une raison évidente, les Etats-Unis les finançaient pour l’acquisition d’équipement militaires depuis les années 70”, rappelle-t-il. “Si les Américains n’avaient pas arrêté leurs livraisons d’armement pour des questions de respect du processus démocratique notamment, il n’y aurait sans doute pas eu de contrat avec la France”.

Il rappelle que les Etats-Unis étaient parfaitement capables de les mettre à genoux en suspendant les livraisons de pièces détachées.

“Cela démontre que la vente d’un Rafale n’est pas la vente d’un très beau produit technologique. Il s’agit avant tout de la définition d’un accord gouvernemental entre deux Etats en vue d’une politique sécuritaire et extérieure”, ajoute ce spécialiste des questions de défense.

Selon lui, si le contrat avec l’Egypte était suivi d’autres contrats avec l’Inde ou le Qatar, ce serait plus affaire de coïncidence qu’un effet domino, ces deux pays étant sur des logiques de décisions très différentes de celles de l’Egypte.

“L’Inde mène depuis longtemps une politique de distanciation vis-à-vis des Russes. Ils ne veulent pas dépendre d’un pays. Il leur faut un partenaire prêt à accepter leur montée en compétence. Quant au Qatar, ils n’attendent pas le choix de l’Egypte pour savoir si c’est le Rafale est un bon produit ou non”, dit-il.

Reste, conclut-il, que “le contrat avec l’Egypte est aussi un signal que la France peut être un allié solide et une alternative aux Etats-Unis”.