ouest de la France en septembre 2014 (Photo : Jean-Francois Monier) |
[19/02/2015 09:23:14] Paris (AFP) Des start-ups aux multinationales, tout le monde s’y met: investir dans l’utilisation des “datas”, les données informatiques, pour permettre aux agriculteurs de tirer le meilleur parti de la masse croissante de données disponible sur la météo, les sols, ou l’état des cultures.
Signe de l’engouement: Monsanto, le géant américain des semences et de l’agrochimie, n’a pas hésité à débourser près d’un milliard de dollars en 2013 pour racheter une start-up spécialisée dans l’analyse des données météo, The Climate Corporation.
Une stratégie basée sur un constat: les agriculteurs disposent de plus en plus de données, mais “n’ont pas les outils ? et le temps – pour localiser les données pertinentes, les extraire et les analyser de manière simple pour in fine améliorer leur rendement”, explique à l’AFP Yann Fichet, porte-parole de Monsanto en France.
La firme propose donc aux agriculteurs américains des logiciels gratuits ou payants pour suivre au jour le jour les “paramètres clés de chaque champ (météo, humidité du sol, stade de développement de la culture)”, ainsi que des conseils sur les décisions à prendre, pour l’application d’engrais par exemple.
En 2014, plus de 20 millions d’hectares ont été cultivés avec ces méthodes aux Etats-Unis, selon Monsanto.
En France, l’intérêt pour les données agricoles s’aiguise aussi. InVivo, premier groupe coopératif du pays, a racheté fin 2014 Smag, une entreprise spécialisée de Montpellier, espérant en faire le numéro un européen du secteur.
La démarche n’est “pas gadget mais ultra-stratégique”, assure Stéphane Marcel, directeur général de Smag.
“InVivo anticipe le fait que l’agriculteur n’est plus un simple agriculteur, mais un chef d’entreprise. Il y a une mutation profonde: les exploitations sont de moins en moins nombreuses, mais plus grosses et il est plus difficile de rester compétitif”, assure-t-il.
– “Ultra-stratégique” –
Chez Smag, 140 agronomes et spécialistes des nouvelles technologies travaillent sur des applications pour croiser les données fournies par des modèles météos, des capteurs dans les champs ou sur des drones, mais aussi des réseaux sociaux.
ège de Monsanto le géant américain des semences à Saint-Louis (Missouri) (Photo : Juliette Michel) |
Où et quand épandre des engrais sur une parcelle de blé? Y a-t-il un risque de maladie sur le champ ? L’agriculteur est prévenu sur son smartphone ou sa tablette.
“Les analyses de sols remontent dans mon ordinateur. Je les transfère dans mon tracteur sur une carte flash, qui transmet directement au système de pulvérisation pour l’azote”, explique Eric Hamot, céréalier dans l’Aube, heureux du “temps gagné”.
Smag compte déjà parmi ses clients des industriels de l’agroalimentaires, qui suivent ainsi au plus près l’approvisionnement de leurs conserves et surgelés.
“Elles peuvent voir si les maïs doux sont mûrs, si les carottes sont du bon calibre pour les poêlées forestières…”, explique Stéphane Marcel.
Des start-ups sont aussi sur les rangs. Dans le Nord, Weenat compte déjà doubler ses effectifs après deux ans d’existance.
Plantés dans les champs, ses capteurs mesurent température et humidité puis transmettent les données sans câblage, grâce à un réseau bas débit sans fil, “ce qui permet de gérer des parcelles éloignées”, explique Jérôme Leroy, l’un des fondateurs trentenaires.
Pour ne pas irriguer à tort et au travers, ou bien semer au bon moment, un logiciel d’aide à la décision est prévu.
Car l’important c’est de “savoir interpréter et utiliser les données. Il faut établir les bonnes requêtes, poser les bonnes questions”, souligne Daniel Boffety, chercheur à l’institut de recherche sur la technologie et l’agriculture Irstea.
Même combat dans la viticulture, pour Fruition Sciences, start-up à cheval entre la Californie et Montpellier.
“Il existe beaucoup de données sur les vignobles, mais souvent chaque fournisseur a son interface et elles ne sont pas compatibles. Nous avons donc créé un protocole pour récupérer toutes les données et en tirer la quintessence”, explique Sébastien Payen, l’un des fondateurs.
A la clé, une meilleure maîtrise de l’irrigation, promet-il, avec des économies d’eau, mais surtout des gains de qualité et un meilleur contrôle du rendement.