Bien que je n’approuve pas les grèves d’ingénieurs, parce qu’elles sont inutiles et inefficaces, j’ai toujours considéré que cette catégorie professionnelle vénérée sous d’autres cieux est totalement méprisée sous nos cieux, notamment dans les pays dits sous-développés.
Les raisons sont multiples et parfois contradictoires:
– Le système de formation basé sur la concurrence individuelle, notamment le système français contre lequel nous nous adossons, et tout le monde sait que ce sont les polytechniciens et les Enarques qui ont coulé la France et son économie.
– Chez nous, c’est encore plus pernicieux, le principal employeur de l’ingénieur est l’administration, et cette machine broie les individus et les réduit presque à l’état d’esclavagisme où un ingenieur dépend du bon vouloir de son supérieur qui peut être n’importe qui et faire n’importe quoi; il ne reste à l’ingénieur que deux possibilités: s’expatrier ou chercher à faire une autre carrière –généralement politique–, les deux exemples de nos Premiers ministres sont extrêmement instructifs: imaginez MEHDI JOMAA être resté dans la fonction publique, il serait un ingénieur général lambda et terminer sa carrière avec une retraite de pauvre; ensuite HABIB ESSID qui a eu la chance de croiser des gens qui ont cru en ses talents.
– Mais ce qui est pire, c’est qu’on oublie souvent que si le pays a fonctionné ces dernières années tant bien que mal, c’est grâce à ses ingénieurs qui ont fait tourner, dans le silence, la SONEDE, la STEG, TUNISIE TELECOM, l’ONAS, les CRDA pour ne citer que ces structures. Et il a fallu que ça dérape du côté de la collecte des ordures ménagères pour que le pays devienne une poubelle… Ce phénomène est bien connu, et ALFRED SAUVY l’appelait la «politique du robinet».
– Enfin et surtout quand ça ne tourne pas rond –généralement pour des décisions politiques prises à la légère–, l’ingénieur est tourné en bourrique et il faut pour les moins jeunes se souvenir de la réplique de BEN SALAH lors de son procès sur ce corps de métier.
Ajoutez à cette situation, de plus en plus catastrophique, la baisse du niveau de formation, le chômage endémique dans le secteur, le refus de certains donneurs d’ordre d’utiliser les services des ingénieurs du cru et continuent à faire appel à des experts étrangers à 1.000 EUROS/JOUR, et souvent le font pour se couvrir quand un pont s’écroule ou un ouvrage se fissure, vous aboutissez à une “égyptianisation“ du secteur et les meilleurs quittent le navire et offrent leurs services sous d’autres cieux avec des revenus qui feraient pâlir plus d’un.
Les solutions existent, il faut du courage et du courage politique, car comme l’a si bien dit au sujet des compétences de MAJDOLINE CHARNI, on peut dire la même chose aux ingénieurs qui dirigent le pays: «posez la question à ceux qui l’ont subi et non aux médecins» -ah les médecins! Eux ils ne risquent pas de faire grève, ni de se plaindre tant que les cliniques construites par des ingénieurs sont fonctionnelles!