égime de retraite complémentaire spécifique des cadres, en grave difficulté financière, vit peut-être ses dernières heures. (Photo : Joel Saget) |
[23/02/2015 08:31:58] Paris (AFP) Le régime de retraite complémentaire spécifique des cadres, en grave difficulté financière, vit peut-être ses dernières heures. L’idée d’une fusion de l’Agirc avec le régime complémentaire de tous les salariés (Arrco) fait en effet son chemin, menaçant le statut même des cadres, selon des syndicats.
La situation des deux régimes de retraite complémentaire n’est pas catastrophique, ont répété les partenaires sociaux lors de l’ouverture de la nouvelle négociation pour rééquilibrer les comptes. Pour autant, il faut redresser le cap pour le régime qui couvre depuis 1947 les cadres, dirigeants salariés, et certains techniciens et agents de maîtrise.
A raison de déficits annuels proches de 3 milliards d’euros dès l’année prochaine, les réserves de l?Agirc pourraient se retrouver à sec dès 2018 si aucune mesure n’était prise, selon la Cour des comptes. Concrètement, cela se traduirait par une baisse de 11% de la pension complémentaire Agirc versée à plus de 2,7 millions d’anciens cadres ou ayants droit.
Ces réserves devaient initialement amortir le déséquilibre démographique (10 cotisants pour un retraité en 1945, 1,6 aujourd’hui). Mais le fort ralentissement économique a contribué à détériorer les comptes, et depuis cinq ans, l’Agirc verse plus de pensions qu’elle ne perçoit de cotisations.
Un autre élément pèse sur les comptes. Les cadres cotisent à l’Agirc à partir d’un certain plafond de salaire. Or ce plafond augmente au même rythme que le salaire moyen dans le privé. Mais comme ce salaire moyen augmente plus vite que la rémunération des cadres, la tranche au-dessus du plafond de la Sécurité sociale “se réduit au fil du temps”, et les cotisations aussi, explique Sylvie Durand (CGT).
L’une des solutions avancées par le Medef est donc de fusionner l’Agirc et l’Arrco, ce qui permettrait notamment d’importantes économies de gestion et repousserait à 2023 l’épuisement des réserves, selon la Cour des comptes.
– “Se faire hara-kiri, ça fait beaucoup” –
Mais le syndicat des cadres, la CFE-CGC, ne veut pas en entendre parler. La fusion “ne règle pas le problème, elle le repousse”, tranche Serge Lavagna.
Selon lui, si “on commence à gommer un élément du statut des cadres”, avec le volet retraite complémentaire, le risque est d’aller progressivement vers “le détricotage des dispositions spécifiques aux cadres”, et ce “jusqu’à la disparition du collège spécifique et donc d’une représentation spécifique”.
Pour le syndicat des cadres, l’Agirc est donc “clairement un enjeu” et il faudra “jouer sur tous les autres leviers” pour redresser les comptes, y compris des mesures douloureuses telles que les décotes sur les pensions.
Une hausse des cotisations, avancée par plusieurs syndicats dont la CGT, est récusée par le patronat. “On peut nous demander beaucoup d’efforts, mais se faire hara-kiri, ça fait beaucoup quand même”, concède M. Lavagna.
Dans ce combat mal engagé, la CFE-CGC a pour l’instant la CGT pour seule alliée.
L’enjeu de la négociation sur l’Agirc-Arrco est de “supprimer le statut cadre” et “les seuils de reconnaissance de qualification des cadres dans de nombreuses conventions collectives”, ce qui “tirerait vers le bas les rémunérations”, met en garde Marie-Josée Kotlicki (CGT).
Selon Mme Kotlicki, cela pousserait aussi les cadres à capitaliser en vue de leur retraite et permettrait “aux marchés financiers de récupérer une manne financière”.
“Le troisième pilier” de la retraite qu’est l’assurance retraite privée “va se développer”, estime aussi Philippe Burger, associé responsable Capital Humain au cabinet Deloitte. Le système est en effet moins coûteux pour les entreprises que les cotisations qu’elles acquittent au titre de l’assurance obligatoire.
La CFE-CGC et la CGT ont jusqu’à juin pour convaincre les six autres négociateurs représentant le patronat et les syndicats d’abandonner la fusion.
Pour éviter le sujet de la fusion lors des négociations sur les retraite complémentaire, la CFE-CFE va tenter lundi, lors d’une réunion sur l’agenda social, d’obtenir des partenaires sociaux l’ouverture de discussions plus larges sur le statut cadre.