Tunisie – Dettes des agriculteurs : L’UTAP demande d’avantage au gouvernement Essid

Par : TAP

La décision gouvernementale d’annuler la dette des agriculteurs dont le principal ne dépasse pas 2.000 dinars n’a pas été bien accueillie par les agriculteurs et leurs organisations professionnelles qui revendiquent davantage.

Cette décision, qui concerne plus d’un tiers des agriculteurs (45.000), porte sur une enveloppe de 106,2 millions de dinars (principal et intérêt) d’après l’Union tunisienne de l’agriculture et de la pêche (UTAP). Mais cette organisation agricole veut l’annulation des dettes dont le principal ne dépasse pas 10.000 dinars par agriculteur”. Au total, les dettes allant de moins de 2.000 dinars à plus de 10.000 dinars s’élèvent à environ 1,2 milliard de dinars, selon les chiffres de l’organisation agricole.

Pour le directeur général du financement, de l’investissement et des structures professionnelles au ministère de l’Agriculture, Lotfi Frad, la mesure annoncée par le nouveau chef du gouvernement Habib Essid aura un impact budgétaire. Elle constitue, a-t-il noté, une mesure urgente à même de renforcer la petite agriculture et de réinsérer les petits et moyens agriculteurs dans le circuit économique.

Frad a assuré que l’opération d’annulation couvrira progressivement toutes les catégories d’agriculteurs endettés, conformément aux dispositions des lois de finances pour les années 2012, 2013 et 2014, dans la mesure où la situation de l’agriculteur est bien examinée et étudiée.

Une mesure insuffisante

«Cette mesure… n’a aucun sens puisque qu’elle ne lui permettra pas de résoudre ses problèmes dus, notamment aux catastrophes naturelles et à la sécheresse ni de couvrir les coûts élevés des intrants», s’est lamenté Fakhreddine Torjmen, président de l’UTAP à La Manouba.

«En tant qu’agriculteurs, nous proposons d’annuler directement les dettes de plus de 10.000 dinars cumulées depuis les années 80 et 90», a-t-il poursuivi.

D’après les données fournies par l’UTAP, 38% des dettes agricoles (principal) remontent à plus de 10 ans. Les dettes de plus de 10.000 dinars (objet de proposition de M. Torjmen), représentent 49% des dettes, soit une enveloppe de 574,5 MDT.

Sameh Arfa, elle aussi membre du bureau exécutif de l’UTAP, propose de son côté «d’introduire dans la loi de finances complémentaire pour l’année 2015 l’annulation de la totalité des dettes des petits et moyens agriculteurs, dont le principal ne dépasse pas 10.000 dinars par agriculteur».

Cette recommandation touchera 115.000 agriculteurs, soit 91% de l’ensemble des cultivateurs confrontés aux problèmes de l’endettement, ce qui permettra de réintégrer près de 23% d’entre eux dans le système financier.

Quant aux dettes qui se situent entre 2000 et 5.000 dinars, elles s’élèvent à 297,1 MDT, soit 25% de l’ensemble des dettes agricoles, alors que celles a situant entre 5.000 et 10.000 dinars représentent 17% du volume global des dettes (195,5 MDT).

S’agissant des grands agriculteurs, le problème de l’endettement se pose aujourd’hui avec davantage d’acuité, car il s’agit de l’avenir de grandes exploitations qui contribue à la création d’emplois et au développement économique dans les régions.

Absence de garantie et hausse des tarifs de l’assurance agricole

En ce qui concerne les facteurs favorisant l’endettement, Sameh Arfa affirme que 57% des dettes proviennent des crédits octroyés sans garantie aux petits agriculteurs (93.000 agriculteurs) à travers les ressources du budget de l’Etat. Ces crédits sont investis dans des projets de développement agricole intégré (1ère et 2ème générations).

En plus, a-t-elle poursuivi, les tarifs de l’assurance agricole pour les grandes cultures par exemple restent encore élevés (entre 3 et 5% de la récolte).

Elle a, également, cité la faible adhésion des agriculteurs aux structures professionnelles, telles que les sociétés mutuelles des services agricoles, dont la contribution au recouvrement des dettes demeure par conséquent, faible à son tour.

Mme Arfa cite d’autres causes ayant un impact direct sur l’endettement des agriculteurs, à savoir l’envolée des prix des intrants agricoles à l’instar des semences, des plants, des hydrocarbures, des équipements agricoles, des engrais et des fourrages.

En outre, la faible contribution du Fonds national de garantie (FNG) au rééchelonnement des dettes des céréaliculteurs en cas de sécheresse risque d’engendrer un cumul des dettes que l’agriculteur peine à payer.

D’après Mme Arfa, il faut créer de nouveaux mécanismes pour le financement des petits et grands agriculteurs ainsi que les marins-pêcheurs, avec des conditions simplifiées qui tiennent compte de la spécificité de leurs activités et leurs capacités à rembourser leurs dettes.

“Il importe également de renforcer les ressources des associations de micro-crédits, afin qu’elles puissent intervenir dans le financement des petits projets agricoles sans appliquer des taux d’intérêt et des conditions de garantie similaires à ceux des banques de la place”, a-t-elle ajouté.

La responsable a exhorté le gouvernement à réviser les taux d’intérêt en fonction des spécificités du secteur agricole, ainsi que les frais exigés pour l’adhésion et les indemnisations dans le cadre des systèmes d’assurance agricole et d’assurance contre les catastrophes naturelles, appelant à la création d’un fonds dans ce domaine.

Pour elle, il est nécessaire de mettre en oeuvre les décisions gouvernementales visant la promotion des sociétés mutuelles des services agricoles, à travers la révision de leur règlement intérieur. Il s’agit, par ailleurs, de renforcer les systèmes de formation et d’encadrement des agriculteurs et de créer un réseau de distribution permettant à l’agriculteur d’écouler facilement sa production et partant d’améliorer ses revenus.

WMC/TAP